Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/05/2012

Progamme contre bilan ....

3615417.jpgA force de vouloir prendre en défaut le candidat du Parti socialiste sur les chiffres, de lui faire un mauvais procès en compétence, le président sortant a laissé le débat de mercredi 2 mai se concentrer sur le taux de chômage et la situation des finances publiques.

Quoi qu’on en dise, quelque soit la série statistique que l’on utilise, ce bilan n’est pas bon. Le chômage s’est envolé (un million de nouveaux inscrits à Pôle emploi), la dette publique a explosé (+508 milliards d’euros) et les prélèvements obligatoires – les impôts - aussi (la France est le deuxième pays où ils sont le plus élevés derrière le Danemark (et non la Suède comme l’a dit le président).

 

 

Nicolas Sarkozy est convaincu que cela aurait été pire s’il n’avait pas été au pouvoir. Mais est-ce si sûr ? Comme le démontrer ? De toute façon, cela n’intéresse personne. C’est derrière nous et personne n’arrivera à rien prouver en refaisant l’histoire.

Nicolas Sarkozy a rompu le "pacte du silence"

François Hollande l’a même piégé sur ce qu’il pensait être son point fort : la gestion de la crise européenne. En l’accusant de ne pas avoir réussi à obtenir de concession de l’Allemagne, il a fait rompre à Nicolas Sarkozy le "pacte de silence" conclu avec la chancelière allemande Angela Merkel et le chef du gouvernement italien Mario Monti.

Les trois dirigeants avait promis de ne rien demander à la BCE, de se montrer très respectueux de son indépendance, ce qui laissait à son président Mario Draghi les mains libres pour les aider.

L’opinion publique allemande est en effet très sourcilleuse sur l’indépendance de la Banque centrale, dont le premier rôle doit être de défendre la stabilité des prix, et non la croissance ou la charge d’intérêt des Etats.

Pas de folie dépensière

Deuxième erreur de Nicolas Sarkozy, il a voulu démontrer la "folie dépensière" socialiste. Pourtant là n’est pas la plus grande faille du programme de François Hollande.

Difficile de condamner le petit aménagement de la réforme sur les retraites – par ailleurs financé par une hausse de cotisations - sans attaquer les gens qui ont commencé à travailler jeune et ont travaillé longtemps.

Difficile de critiquer la hausse de l’Allocation de rentrée scolaire qui représente certes une dépense mais de 400 millions d’euros, pas une folie. Reste les contrats de génération et les 60.000 profs, mais ils ont permis à François Hollande de se battre sur le cœur de son programme : la jeunesse.

La maîtrise des dépenses

Le président sortant aurait mieux fait de porter le fer là où le programme du candidat socialiste touche ses limites : dans la maitrise de la dépense. Dans son programme, François Hollande s’est bien gardé de détailler la manière dont il allait réussir à réduire le train de vie de l’Etat, des collectivités locales et les frais de la Sécurité sociale pour ramener à l’équilibre les déficits publics.

C’est pourtant bien sa priorité. Il limite dans son programme la progression des dépenses publiques à 1,1%. Personne n’a la moindre idée de la manière dont il va s’y prendre, ni même de quel ministre va se coller à cette rude tache.

Généralement, les socialistes répondent qu’ils y arriveront par un "nouvel acte de décentralisation" qui permettra de supprimer les doublons de postes et de structures entre l’Etat et les collectivités. Mais jusqu’à présent, cette décentralisation a plutôt contribué à gonfler la dépense. Alors ?

La difficulté pour Nicolas Sarkozy, c’est qu’il promet une potion encore plus amère (0,4% seulement de croissance des dépenses). Et que lui même s’est bien gardé de rentrer dans les détails. Il a donc préféré éviter ce terrain douloureux.

François Hollande, un programme réfléchi

Enfin qu’a-t-on appris hier soir du programme et des projets de Nicolas Sarkozy ? Peu de choses, peu de nouveau. Après avoir reconnu que notre premier concurrent était l’Allemagne, comment pousser un protectionnisme européen ? Coincé sur l’efficacité de la TVA anti-délocalisation, qui n’est pas concentrée sur l’industrie, et sur le calendrier tardif et bâclé de la mesure - en extrême fin de quinquennat - , difficile de pousser l’avantage.

Ce que le débat a finalement montré, c’est que même s’il a des limites, François Hollande avait un programme réfléchi. Il l’a présenté tôt dans la campagne et s’y est tenu assez strictement en n’ajoutant que quelques éléments comme la surtranche de 75% d’impôt pour les revenus au-delà d'1 million d’euros ou la promesse de coup de pouce au smic (assez imprécise et conditionnée à la croissance).

Le programme de Nicolas Sarkozy peu préparé

Nicolas Sarkozy, lui, n’en avait pas vraiment. Il n’a pas voulu trop y travailler, estimant que ses connaissances et son expérience de président sortant lui permettraient d’écrire quasi-seul sa feuille de route et lui serviraient de viatique.

Il n’a d’ailleurs pas fait travailler d’économiste et assez peu ses ministres ou ses parlementaires experts en économie et finances publiques. Il aurait d’ailleurs peut-être eu du mal, car en 2008, après les avoir mis à contribution, il n’a pas suivi leurs conseils et a imposé le "choc fiscal" de TEPA, que tous, du rapporteur de la Commission des finances à l’Assemblée, Gilles Carrez, au sénateur ex-ministre Alain Lambert, en passant par Xavier Musca, alors directeur du Trésor ou l’économiste Jean-Luc Tavernier, devenu patron de l’Insee, lui déconseillaient.

Aujourd’hui, rappelle Gilles Carrez, il n’en reste plus que les heures supplémentaires défiscalisées et le RSA. Tout le reste (RSA, déduction des intérêts d’emprunts…) a été revu. Cette loi TEPA risque de coûter très cher à Nicolas Sarkozy.

Conclusion : mieux vaut un programme imparfait, prudent, comprenant des défauts, mais réfléchi, travaillé, assumé, défendu avec constance, qu’une absence de programme, une ligne pas assez tracée et, au final, une promesse de sérieux qui ne s’appuie que sur un bilan forcément mauvais après une pareille crise dans un pays qui n’a pas le tissu industriel de l’Allemagne.

 

 

Par Sophie Fay

Nouvel Observateur.fr

6 mai 2012,aucune hesitation...