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16/03/2009

Quand Charles Masson défend le "Droit du sol"

Après avoir été ORL à l’hôpital de la Croix-Rousse, Charles Masson est parti exercer à la Réunion et à Mayotte. Il revient aujourd’hui à Lyon pour présenter « Droit du sol » une bande dessinée qu’il a entièrement scénarisée et dessinée sur la situation extrême des clandestins

Bande dessinée

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>> Vous êtes à Lyon demain mercredi pour présenter « Droit du sol » (Ed. Casterman), une bande dessinée que vous avez scénarisé et dessiné sur les clandestins à Mayotte. Comment un médecin ORL lyonnais se retrouve autant sensibilisé à ce problème ?


Depuis tout petit, je suis sensibilisé à l’injustice et des clandestins, on en voit partout. J’en voyais lorsque je travaillais à la Croix-Rousse et j’en vois logiquement depuis que je travaille à la Réunion depuis 2002. Mais le summum, c’est indiscutablement Mayotte. Je suis assez sensibilisé car lors de mon remplacement annuel de deux mois là-bas, je suis seul en place : je pense que 50 à 80% de la population est formée de clandestins.
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>> La situation d’accueil est toujours la même ?


Non, elle a empiré depuis 4 ans avec l’arrivée progressive de la sécurité sociale. Jusqu’en 2005, ils débarquaient et on les soignait avec un nom et selon le cas une date de naissance. Ils étaient pris en charge et recevait un petit carnet de santé qui leur permettait de se faire soigner. Ca fonctionnait bien ! Pêcheurs, chauffeurs de taxis, tous sont clandestins… Ils n’avaient pas de papiers mais ce n’était pas un souci : la santé était assuré et gratuite, les enfants qui naissaient devenaient français par le droit au sol. Tout fonctionnais assez bien.

>> Comment faites-vous désormais ?
On magouille par obligation. On a des difficultés à faire rentrer les patients clandestins à l’hôpital qui sont rejetés par le système d’accueil et les « petits chefs » locaux. On joue au gendarmes et aux voleurs : on les fait passer par la sortie… on détourne des bons gratuits selon les services, notamment en pédiatrie, afin de pouvoir soigner un maximum d’enfants. C’est la partie amusante, ça l’est moins lorsqu’ils ne peuvent pas être pris en charge pour des raisons thérapeutiques. Se dire, « ben tant pis… », c’est terrible.

>> Mais « Droit du sol », c’est également des destins croisés…
Ca fait un bout de temps que je voulais écrire sur Mayotte et le film « Magnolia » qui m’a énormément touché m’a donné la clef. Cette île est minuscule et on se rencontre souvent : c’est le lieu parfait pour raconter certaines problématiques, même si je n’arrivais pas à me mettre dans la peau d’un Mahorais. J’ai donc raconté la vie de personnes qui restent un certains temps sur l’île avec leurs illusions, leurs défaillances, les questions de métissage… puis je les ai fait lire à des Mahorais. Puis j’ai entendu cette histoire de ce petit garçon qui s’est retrouvé seul sur une plage… venant d’un kwassa. Ce n’est pas qu’un mythe : je me suis alors lancé. 6 mois de rédaction, 8 mois de dessins pour 700 pages, un rythme de fou, je ne vivais plus. Finalement, derrière un décor de théâtre où jouent mes personnages principaux, d’autres personnages apparaissent, les clandestins.

>> Le kwassa, cette embarcation qui fait la traversée jusqu’à Mayotte en venant des Comores, est le fil conducteur de votre ouvrage. C’est une manière folle d’obtenir ce « Droit du sol » …
C’est surprenant lorsqu’on discute avec ces gens. Comme je vous l’ai dit, ça me touche car ma partie, c’est le langage. En réfléchissant bien, je n’ai jamais vraiment risqué sauf peut-être en traversant une rue. Là, ils prennent le bateau, ne savent pas nager, payent 150 euros, eux qui gagnent deux euros par mois… c’est ça risquer sa vie, prendre des risques. Et ils font cela pour passer de la survie à la vie. Après, c’est très compliqué de leur dire de rentrer chez eux…

>> Pourquoi ce livre ?
C’est assez simple. J’aimerai que le secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme le lise. Qu’il aille là-bas pour comprendre que rien n’est inventé. Et si je pouvais faire bouger les choses par « Droit du sol », j’en serai heureux.

>> Vous êtes en France métropolitaine pour quelques jours. Vous y reviendriez pour travailler ?
J’aurai du mal ! Je vis bien à la Réunion, j’ai des projets mais vous savez je ne fais que des remplacements. C’est un type de vie assez particulier qui ne convient pas à tout le monde. Rentrer quelques jours en France me permet de voir des amis dessinateurs, de promouvoir un peu mon bouquin. Je passe déjà pour un hurluberlu dans le milieu médical en faisant de la BD…

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Pour Rosa

 

Charles Masson sera en dédicace demain mercredi 11 mars à 15 heures à la Librairie Expérience, place Antonin-Poncet à Lyon