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29/01/2009

Les sans-abri du campus

campus.jpg. Devant les difficultés rencontrées dans le centre-ville, les SDF de Bordeaux sont obligés de s'exiler en périphérie, quitte à devoir prendre le tram pour aller « travailler »

 

"Depuis quelques semaines, alors que la pluie se fait régulière sur la ville, les tentes poussent comme des champignons sous les arbres des Bois de Pessac. Dans ces tentes vivent des SDF. Le terrain, qui fait partie du campus universitaire, est une propriété privée et les forces de l'ordre n'ont pas la compétence d'y intervenir tant qu'une plainte n'a pas été déposée.

Pour Singaravélou, le président de l'Université de Bordeaux 3, il n'en est pour l'instant pas question.

Sur ses 28 ans d'existence, Kevin en a passé neuf dans la rue. Le jeune homme d'origine bordelaise passe la journée seul dans le campement composé de six tentes. Il partage la sienne avec ses trois chiens. Ses compagnons d'infortune sont partis « bosser » dans le centre-ville, faire la manche, comme tous les jours. Lui reste pour surveiller les affaires et les chiens. Un peu plus loin, les silhouettes de quatre autres tentes se profilent. D'après Kevin, un Espagnol vivrait là depuis environ six mois. « Ils ne veulent plus de nous ni de nos chiens dans le centre », explique-t-il. « Avant, c'était moins strict. On pouvait ouvrir un squat sans que ça pose trop de problème, surtout que ce n'est pas les maisons abandonnées qui manquent ! Mais maintenant, on se fait embarquer immédiatement. »

« Tous perdus »

« Avant », c'était avant l'arrêté municipal anti-bivouac pris par Alain Juppé en janvier 2002, qui interdisait, sur les lieux publics, les rassemblements de chiens mais également de leurs maîtres, la consommation d'alcool et la mendicité. S'il a été annulé par un tribunal administratif en janvier 2003, la situation n'a que peu changé dans la pratique et la répression se fait toujours sévère, d'après Kevin.

Des anecdotes, il en a des centaines. Comme ce soir de janvier où, pour la venue du haut-commissaire aux Solidarités actives, Martin Hirsch, à l'Athénée, lui et ses amis ont dû « libérer » le parvis du lieu. « Ça faisait désordre », plaisante-t-il. Ou cette autre fois, lorsqu'ils se sont fait « embarquer » parce qu'ils étaient dans un hangar désaffecté à Bègles. D'après Kevin, si leurs sacs à dos leur ont été rendus les lanières découpées, après de longues heures de garde à vue, c'est pour décourager leurs vagabondages.

Les gardes à vue, les humiliations, le froid : pas facile de garder le moral quand on vit au fil des saisons. Cela fait maintenant quatre ou cinq ans que Kevin ressent un changement progressif dans l'attitude des autorités face aux sans-abri. Dans le même temps, il a constaté une augmentation du nombre de jeunes « à la rue ». Parmi les nouveaux venus sur les trottoirs, Kevin voit de plus en plus de mineurs ; ceux qui n'ont pas voulu, ou ne sont pas arrivés à trouver leur place dans la société. « Ils sont perdus », soupire Kevin. « On est tous perdus en quelque sorte », ajoute-t-il dans un murmure.

Auteur : Barnabé chaix