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06/04/2009

GRAND TORINO

vu

un soir, à Sainte- Maximeclint.jpg



WALTER KOWALSKI, alias Clint Eastwood, est américain-européen. Il sait tout. Il a tout vu. Il a fait la guerre, il s’est marié, il a eu des enfants, il sait entretenir une maison. Dans son garage, il a tous les outils possibles inimaginables, bien rangés. Cinquante ans de bonne vie utile d’un Américain bien éduqué, viril et responsable.

 

Réalisateur
Clint Eastwood
Acteurs

Clint Eastwood, Bee Vang, Ahney Her, Christopher Carley, John Carroll Lynch, Brian Haley

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De retour des deux côtés de la caméra dans « Gran Torino », Clint Eastwood met en scène ses contradictions politiques, son âge et ses émotions secrètes. Résultat : un grand film

 

Le retour

"Depuis cinq ans et « Million Dollar Baby », Eastwood n’avait plus joué dans ses films, se « contentant » d’ajouter quelques pierres de choix à son édifice personnel de réalisateur (« Mémoires de nos pères », « Lettres d’Iwo Jima », « L’Echange »). Pour son retour des deux côtés de la caméra, il endosse donc son vieux costume viril (sérieusement mité avec le temps) et, comme on dit, il ne fait pas le voyage pour rien. Insulte aux lèvres, rictus crispé et fusil à portée de main, il profite d’un conflit de voisinage pour remettre un peu d’ordre dans son quartier, microcosme d’une Amérique déchirée par les conflits communautaires et une délinquance salissant les valeurs du travail et de la morale.

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Ça fait peur ? Ça fait, oui. Mais « Gran Torino » raconte bien entendu autre chose sur l’Amérique et sur Eastwood lui-même… La raideur du personnage et son racisme outrancier ne sont que des paravents minables. Progressivement, des traumatismes anciens refont surface, ceux d’un pauvre type parmi d’autres envoyé à la guerre, au casse-pipe, et qui a planqué sa culpabilité king-size derrière de dérisoires apparats patriotiques. Le culte de la force et la grosse bagnole sont des leurres. L’Amérique fait la gueule et le vieux blanc du quartier aussi…

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Depuis des lustres, Eastwood, pourtant guère suspect de gauchisme, n’en finit plus d’autopsier la face noire du patrimoine historique américain. Après « Mémoires de nos pères », formidable précis de décomposition sur les mensonges et la manipulation en temps de guerre, le voilà qui, avec son personnage a priori tout d’un bloc, démolit consciencieusement les discours bellicistes et les délires nationalistes toujours en vogue sur sa terre natale.

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Au fil du temps et du film, le masque horrifique de Walt se craquelle. Devenu le mentor spirituel de deux gamins asiatiques de la maison d’à-côté, Walt dévoile une humanité inattendue, une fragilité extrême, une émotivité à fleur de peau enfouie depuis des décennies sous le masque du machisme grognon. Mieux, l’anti-héros ridé de partout devient quasiment un aficionado de la culture jaune, s’empiffrant de nems et abandonnant la bière tiède pour les joies plus variées des alcools fort made in Extrême-Orient.

 


Tout en auto-parodie, tendresse sans trémolos et regard perçant sur l’époque, « Gran Torino » entraîne dans son scrupuleux clacissime et sa sensibilité pudique. Dans la stimulante agitation américaine du moment

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« Gran Torino » toise ses cadets avec la sérénité du vieux sage. Au long de sa carrière admirable, Eastwood a signé un nombre conséquent de chef-d’œuvres (« Bird », « Impitoyable », « Sur la route de Madison », on en passe). En voici un autre…

Par Olivier de Bruyn | Journaliste