24/10/2008
Faim, pauvreté, sida: les messages coup de poing de "Huit" projetés à Rome
Les réalisateurs de Huit : Wim Wenders, Mira Nair, Jane Campion, Gael Garcìa Bernal, Abderrahmane Sissako et Gaspar Noé.
Message "politique" envoyé aux gouvernants de la planète, le film "Huit" présenté jeudi soir à Rome interpelle et parfois dérange avec huit histoires militantes tournées par des grands noms du cinéma, qui plaident pour le respect des objectifs du Millénaire fixés par l'ONU.
Jane Campion, Gus Van Sant, Wim Wenders, Mira Nair, Gaspar Noé, Gael Garcia Bernal, Abderrahmane Sissako et Jan Kounen signent cette palette de courts métrages, hors compétition, dévoilée en avant-première mondiale jeudi au festival de cinéma de Rome (22-31 octobre).
Chacun des réalisateurs s'est vu confier l'interprétation cinématographique d'un des huit objectifs pris en 2000 par les Etats membres des Nations unies
Ces 189 pays se sont notamment engagés à réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes souffrant de la faim, à combattre le sida, à réduire la mortalité infantile, à promouvoir l'égalité des sexes, à proposer une éducation primaire pour tous ou encore à assurer un environnement durable.
Les producteurs du film (LMD Productions) indiquent avoir proposé à l'ONU d'apposer son logo sur les affiches de "Huit" et de consacrer 50% de leurs recettes aux objectifs du Millénaire, tout en stipulant que les réalisateurs auraient "carte blanche".
"En avril 2008, l'organisation est revenue vers nous et nous a donné l'ordre de retirer un des courts métrages, celui de Mira Nair. Ce fut une demande très brutale", a affirmé Marc Obéron lors de la conférence de presse de présentation, indiquant que la maison de production avait refusé, et donc retiré le logo de l'ONU.
La raison invoquée par l'organisation fut que l'oeuvre de la réalisatrice indienne, qui avait travaillé sur le thème de l'égalité des sexes, pouvait constituer "une offense à l'islam", a affirmé sa collègue Lissandra Haulica.
Dans "How can it be?" de Mira Nair (caméra d'or et prix du public à Cannes en 1988 pour "Salaam Bombay!"), une jeune musulmane vivant à Brooklyn quitte mari et enfant pour devenir la seconde épouse d'un autre homme. Juste avant de sortir de sa luxueuse demeure et de s'engouffrer avec sa valise dans une voiture venue la chercher, Zenab cache ses cheveux dans un hidjab.
La raison invoquée par l'organisation fut que l'oeuvre de la réalisatrice indienne, qui avait travaillé sur le thème de l'égalité des sexes, pouvait constituer "une offense à l'islam", a affirmé sa collègue Lissandra Haulica.
"Une femme à l'ONU a vu mon film et a eu cette réaction. J'ai voulu dialoguer avec elle mais ce n'était pas possible. Ses supérieurs ont par la suite visionné le film et l'ont trouvé absolument inoffensif, mais c'était trop tard, le mal avait été fait", a déclaré Mme Nair en conférence de presse.
Autre thème développé dans "Huit", la mortalité infantile. Dans son court métrage, l'Américain Gus Van Sant intitulé "Mansion on the hill" fait défiler les données effrayantes des statistiques mondiales sur des images d'adolescents faisant tranquillement du skateboard dans une riche banlieue.
La Néo-zélandaise Jane Campion, qui a travaillé sur l'environnement, montre une adolescente jouant du violon pour faire tomber la pluie sur une terre australienne desséchée, tandis que le Français Jan Kounen filme une Péruvienne mourant en couches car son village n'a pas assez d'argent pour qu'un bateau l'emmène en ville.
"Keep your promise" (Tenez vos promesses) est la dernière phrase de l'ultime court métrage, celui de l'Allemand Wim Wenders, qui la fait répéter à l'infini par des hommes et des femmes issus des cinq continents.
"La solution du problème, ce n'est pas vous le public, ce n'est pas nous, ce sont les gouvernants. Ma peur avec l'actuelle crise financière, c'est que ce soient encore les pauvres qui en souffrent, pas les riches, et que les nations soient encore moins désireuses qu'avant de tenir leurs promesses de développement", a confié Wim Wenders.
09:30 Publié dans cinema | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinema rome