26/02/2011
Femmes arabes et la révolution
Cette semaine, Marianne laisse carte blanche à Fatma Bouvet de la Maisonneuve*, médecin psychiatre franco-tunisienne.
Femmes arabes, le monde entier nous observe !
Extrait Marianne 2
" L'aissons l’islam et les autres religions dans les cœurs et les esprits et n’acceptons pas d’en faire des outils de propagande.
En dignes héritières de la Kahena, d’Elyssa, de Cléopâtre, de Sémiramis et de la reine de Saba, les femmes arabes ont décidé de prendre leur destin en main. Elles aussi étaient nombreuses dans la rue pour renverser le dictateur Ben Ali. Elles aussi poussent Moubarak à partir. Elles aussi sont mobilisées dans nombre d’autres pays arabes, en quête de progrès et en lutte contre le conservatisme de tous genres. Les hommes qu’elles accompagnent dans les rues aujourd’hui sont les fils qu’elles ont éduqués, souvent au détriment de leur santé et de leur dignité. Ce sont elles qui ont transmis le sens de l’honneur à toutes ces populations intelligentes, restées longtemps asphyxiées par des régimes autoritaires et mafieux qui ont prospéré sur le lit de leur supposée résignation. La lutte pour la dignité, elles savent ce que c’est. La lutte pour la liberté, elles l’ont reprise en 2011. Mais il faut que nous, femmes arabes, allions jusqu’au bout.
Des lointaines campagnes aux bureaux des villes, en passant par les tribunaux et les parlements, les hôpitaux ou les maisons, il ne faut pas nous faire confisquer nos batailles. La résurgence de notre détermination a déstabilisé le monde entier et a fait démentir les grands analystes internationaux. Ils extrapolaient sur les éventuelles interventions américano-européennes qui auraient aidé à notre libération, sans mentionner assez fort que les hommes et les femmes arabes pouvaient aussi décider de leur histoire.
Mais prenons garde : les femmes seront les premières garantes de la poursuite de ce processus révolutionnaire. La véritable rupture se fera grâce à la liberté des femmes ou ne se fera pas. Trop longtemps brandies comme des enjeux de civilisation ou considérées comme de simples variables d’ajustement, elles ne doivent plus quitter la route de leur affranchissement. Elles doivent persévérer dans la défense de leurs acquis et s’atteler rapidement à en conquérir d’autres. Refuser de tomber sous le joug d’une autre dictature reste pour elles un impératif. L’apparition immédiate de multiples associations de défense de la laïcité déjà très actives et la marche des femmes tunisiennes du 29 janvier 2011 en présence de très nombreux hommes sont une illustration de cette conscience vive.
Femmes arabes croyantes ou athées, voilées ou pas, nous devons construire une voie nouvelle pour nous et nos enfants : celle de la justice, de la connaissance et du développement. Les départs successifs et imminents (j’en suis sûre désormais) des dictateurs doivent laisser place à des démocraties dans lesquelles nous aussi aurons notre mot à dire et déterminerons l’avenir de nos régions grâce à nos choix de femmes libres. Démentons ceux qui nous ont piégées par la menace islamiste. Laissons l’islam et les autres religions dans les cœurs et les esprits et n’acceptons jamais d’en faire des outils de propagande. Les femmes prendront part aux décisions pour élaborer un monde meilleur.
* Membre du think tank l’Observatoire des futur(e)s.
15:13 Publié dans SOLIDARITE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : femmes arabes et révolution