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29/03/2011

Pourquoi fermer les maternités publiques

 

L'exemple de Saint Antoine, par Christian Guy-Coichard.
La maternité de l'hôpital Saint Antoine, à Paris, existe depuis 1896. C'est un « centre universitaire » depuis 1940. Elle devrait comme l'ont fait une centaine d'autres maternités depuis 2008, fermer en 2015 après un transfert progressif de ses activités aux maternités des hôpitaux voisins de Trousseau et Tenon. L'argument habituel des décideurs ,pour les fermetures de maternités, est la sécurité des patientes, mise en jeu dans de petites maternités. Ici, difficile de mettre en avant un tel argument : la maternité réalise 2500 accouchements par an, 20.000 consultations annuelles, 500 hospitalisations en néonatologie.

 

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La fermeture de la Maternité va entraîner l'abandon du centre IVG (650 IVG par an) alors même qu'à Tenon , ce n'est qu'après de longs mois de bataille, que la réouverture du centre IVG a été obtenue. La disparition de la maternité de Saint Antoine entraînera celle des urgences gynécoobstétricales (12800 passages par an), de la PMI (2300 nourrissons suivis par an), la disparition d'un centre de formation de sages -femmes (45 par an). Bref autant de missions de service public que les maternités voisines de Tenon et Trousseau (dont le  prochain démantèlement a fait couler beaucoup d'encre) n'auront pas vocation à absorber. C'est en réalité l'exigence de suppressions d'emplois dans les Hôpitaux parisiens qui semble être la seule explication logique. La mobilisation des personnels concernés a donc rejoint celle des élus locaux, des partis de gauche, des associations et de la population, entraînant la création d'un Collectif de Sauvegarde de la Maternité.

 

De telles restructurations ne profitent certainement pas au patient ; mais bien des structures privées sont à l'affût, dans ce secteur géographique, de la manne que dispensent les activités de soins, devenues bien rentables car dépouillées de leurs missions de service public. Si néanmoins l'agence régionale de la santé l'impose, les maternités privées pourront toujours récupérer quelques missions de service public puisque depuis la loi Hopital Patients Santé Territoire de 2009, il est possible pour une structure d'hospitalisation lucrative de prodiguer une des 14 missions de service public, qui recoivent une enveloppe budégtaire spécifique (MIGAC).

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            On peut imaginer que, parmi les missions de service public, les cliniques privées souhaitent se charger de l'enseignement universitaire et post-universitaire ; du développement professionnel continu, de la formation des sages-femmes et du personnel paramédical, de la recherche, voire même d' actions d'éducation et de prévention, d'actions de santé publique...en revanche on scrute vainement les demandes d'accéder au domaine de la lutte contre l'exclusion sociale, à l'aide médicale urgente, aux soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et aux personnes retenues en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile...et même ...à la permanence des soins. Sur les 1160 cliniques lucratives, prenant en charge près d'un tiers des grossesses en France (rapport Larcher 2008), ...25 avaient un service de néonatologie, aucune une réanimation pédiatrique, 3 signalaient un service d'urgence...aucune n'avaient une maternité de niveau 3 (accueillant les grossesses à risque les plus élevées)

Résumons :     1/ les cliniques privées lucratives se chargent de la pathologie courante, mais ne peuvent prendre en charge ni les patients les plus lourds, ni les patients les plus précaires, la loi HPST leur permet de « choisir » des missions de service public spécifiquement financées. Parmi les pathologies courantes...l'une de celles les plus simples à prendre en charge, est, sans doute, celle...qui n'est le plus souvent PAS UNE MALADIE... la grossesse et l'accouchement, fort heureusement n'est, le plus souvent, pas compliqué.

                        2/ les hopitaux publics doivent rester à l'équilibre bugétaire alors même que leurs activités sont structurellement déficitaires (baisse des tarifs, baisse des MIGAC, cf articles précédents de l'édition ); ils doivent donc supprimer des emplois. Vu l'abondant réseau de maternités privées, la tutelle peut choisir de fermer une maternité publique...plus facilement qu'un service de maladies infectieuses (aucune structure lucrative ne possède ce dernier type de service).

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                        ...Et voilà comment on peut détourner une « part de marché », de 30% des grossesses prises en charge dans le secteur lucratif, près de 50% pourraient, à terme relever de ce secteur. Les parturiantes du 12ème arrondissement devront alors se poser des questions qu'elles ne se posaient pas à Saint Antoine : dans quel hopital (public) le bébé sera-t-il transféré en cas de problème ? Y a-t-il unanesthésiste et un pédiatre présents 24 h/24 ? Quels sont les tarifs des prestations (honoraires des médecins, sage femme, anesthésistes) et les frais d'hotellerie : draps pour le bébé, couches...tout cela n'étant qu'un surcout des cliniques lucratives alors que ces frais sont intégrés dans le cout de l'hospitalisation publique. Dans le privé lucratif 85% des médecins ont des dépassements d'honoraires (contre 12% des médecins hospitaliers...86% n'ayant pas d'activité libérale dans le public)...Alors plus que jamais le bébé sera le très CHER enfant tant attendu, mais l'APHP aura pu supprimer des emplois : 4500 doivent disparaître d'ici 2014.