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24/04/2012

Calais reste une prison à ciel ouvert pour les migrants

les migrants à calais« La seule réponse qu'on a trouvée, en dix ans, c'est la répression policière »


Dix ans après « l'erreur de 2002 », rien n'a été réglé sur le fond. « Le problème persiste, les migrants sont toujours traqués, chassés. Cette situation les a précarisés et les met encore plus à la merci des passeurs », déplorent en chœur, les associations. Calais, ce n'est plus la jungle mais des squats, disséminés dans la ville et ses alentours, régulièrement mis à sac par les autorités. Les migrants ne sont plus 2.000 à tenter leur chance outre-Manche mais 200.

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Au total, ils sont environ 500 dispersés le long du littoral, de Dunkerque à Wissant, mais aussi dans les terres, près des aires de repos de l'autoroute A 26, à Angres, Norent-Fontes, formant un triangle jusqu'à Saint-Omer, avec des bases retranchées à l'intérieur de la Belgique. Des jeunes hommes principalement, qui ont derrière eux des milliers de kilomètres, débarqués du Moyen-Orient, d'Afrique de l'est ou d'Asie.

 

Ces dernières semaines, après une période d'accalmie, le stress les a gagnés. A trois mois des JO de Londres, « des Olympiques », disent-ils, « il faut passer vite ».Avant que les frontières ne soient verrouillées et sur-sécurisées. Comme les aires de l'A 26 entre Calais et Dunkerque, tout simplement fermées pour qu'ils ne montent pas dans les camions.

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« En ce moment, il y a un turn-over énorme. Un tiers des migrants disparaît dans la semaine. Les vannes sont, c'est certain, plus ouvertes qu'en juillet prochain. Si t'as de l'argent, tu passes. Ils ne montent plus dans les parkings de Calais mais à 80-100 bornes », constate Jean-Claude Lenoir, le président de l'association Salam, créée au lendemain de la fermeture de Sangatte pour venir en aide à ces migrants jetés à la rue à l'aube de l'hive


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On le retrouve un soir, à 18 heures, près du phare de Calais, au centre de distribution de repas, vaste terrain de bitume grillagé, dans la zone portuaire, avec point d'eau, préau et local. C'est un des acquis obtenus par les associations qui ont servi pendant des années des plats chauds « sur les quais pourris d'un entrepôt ouvert aux intempéries », se souvient Nadine, bénévole depuis 1998 à la Belle Etoile.

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Chaque jour, c'est le même rituel, midi, soir et quelques matins pour le petit-déjeuner. Une queue se forme, disciplinée, cuillère à la main, jusqu'aux marmites. A tour de rôle, Salam, la Belle Etoile et l'Auberge des Migrants se relaient. Après avoir passé la matinée, l'après-midi à cuisiner les palettes de légumes et les kilos de viandes fournis par Emmaus, elles offrent chaleur, réconfort et sourire à ces ombres que les Calaisiens, avec les années, ne remarquent même plus. Assis contre les grillages ou debout, accoudés aux couvercles des poubelles, ils avalent leurs gamelles. Les premiers servis jouent déjà au foot, discutent « papiers » avec les bénévoles des différentes associations, Médecins du monde, le Secours catholique, etc. D'autres passent en vitesse, repartent vers leurs couvertures, sous les ponts, la pluie, le froid.

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Il y a des nouveaux, des anciens, des Somaliens, des Soudanais, des Tchadiens, des Albanais, des Iraniens, des Afghans, des Kurdes, des Vietnamiens, des Russes... Jean-Claude Lenoir, jeune retraité de l'éducation nationale, balaie la scène, le regard ému : « Ici, nous sommes une micro-société solidaire où toutes les classes sociales, bénévoles et migrants, même ceux venant de pays en guerre les uns contre les autres, s'entendent. C'est le plus bel exemple que les politiques se trompent. »

jc_lenoir_pdt_salam.JPGMilitant de la première heure, il a éprouvé chacune de ces dix dernières années. Certes, il y a eu des avancées : cette aire de distribution des repas, la PASS, permanence d’accès aux soins de santé, l'hébergement de jour, les douches, etc. A Calais nord où il vit, un des rares quartiers cossus de la ville, les voisins n'ouvrent plus les volets en hurlant : « c'est pas bien ce que vous faites » mais déposent devant sa porte des couvertures, des vêtements. « L'effet Welcome », le film de Philippe Lioret qui avait fait salle comble lors de sa projection à Calais.

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« Les migrants, poursuit-il, sont davantage reconnus ; la police, la justice, moins hors la loi. Les CRS ne roulent plus porte ouverte avec la matraque à la main dans les rues. Il y a dix ans, au vu et au su de tout le monde, ils les coursaient avec une violence inouie digne des pays fascistes. Ils les serraient sous la pluie à genoux. Il y a un semblant d'évolution démocratique grâce aux associations et aux médias. »Mais « les migrants de Calais » demeurent « le grand échec de la politique gouvernementale » pour Jean-Claude Lenoir. « La seule réponse qu'on a trouvée, en dix ans, c'est le contrôle, la répression policière, les propositions de retour et le non-respect de l'être humain. Ils ont voulu masquer les problèmes économiques par la peur de l'autre. Ils les ont érigés en épouvantail », condamne-t-il.

| Par Rachida El Azzouzi

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Sur les murs des squats, des appels à la solidarité© Rachida El Azzouzi



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