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04/12/2010

La drogue est une affaire de santé, pas de morale

salle-.jpgC'est comme ça à chaque débat de société : le clan des vertueux et des idéologues - et c'est malheureusement le cas du président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), Étienne Apaire - dresse une barrière d'arguments devant toute proposition alors qu'il s'agit tout simplement d'interroger les professionnels et de mettre, comme on devrait toujours le faire, la santé au cœur des décisions. Drogues et addictions ne relèvent pas de la morale, mais de la santé, publique et personnelle.

Le débat sur les salles d'injections protégées est, de ce point de vue, exemplaire. Que disent unanimement professionnels de terrain et scientifiques ayant évalué l'expérience déjà en cours dans de nombreux pays (1) ? Elles contribuent à la réduction des risques (réduction de la mortalité par overdose et des complications locales, moindre transmission du sida, de l'hépatite…) et, plus encore, elles constituent une voie d'accès au soin et à l'abstinence de consommateurs qui n'y sont, de prime abord, nullement prêts et qui n'y accéderont pas autrement. C'est simple, clair et consensuel.

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Ces dispositifs, qui se situent en droite ligne de la politique de réduction des risques déjà en cours avec l'échange de seringues, s'adressent à des populations marginalisées, précaires, bien souvent exclues de toute prise en charge médicale et qu'un discours de vertu ou d'éducation sanitaire n'a aucune chance d'atteindre.

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Faut-il renoncer à les empêcher de mourir de complications avant d'avoir pu accéder aux soins ? Rendons-nous à la simple réalité : ce n'est qu'avec un peu de temps permettant l'établissement d'un lien de confiance que la proposition d'un traitement de la dépendance et d'accès à l'abstinence peut être entendue, d'abord à titre occasionnel, puis, quand un mieux se fait sentir, peut faire son chemin et arriver à une vraie prise en charge thérapeutique.

La loi ne fait aucunement obstacle à ce qui n'est en fait que le prolongement de la politique de réduction des risques mise en œuvre avec l'échange de seringues. Rien n'interdit à celui qui a donné la seringue d'offrir aussi un siège, et quelques conseils pour que l'injection n'ait pas lieu dans un coin sombre, sous la pluie et sans aucune hygiène. Rappelons qu'il n'est en aucun cas question de donner de la drogue mais seulement d'éviter accidents et infections, de permettre l'accès à un professionnel qui favorise lui-même le parcours vers une prise en charge thérapeutique de l'addiction et augmente ainsi les chances de guérison.

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Il n'est pas non plus question de tester la drogue qui est consommée. Cela a été proposé, mais la multiplicité des inconvénients et le risque d'écarter une part de ceux qui se présentent font que cet aspect n'a été retenu pratiquement dans aucun des centres aujourd'hui ouverts dans les 59 villes européennes expérimentatrices, lesquelles sont situées dans des pays aussi différents que la Norvège et l'Espagne.

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Disons-le simplement : il n'y a pas combattante plus déterminée de toute forme d'addiction que l'élue médecin que je suis. Tant d'années de vies détruites, tant de liberté perdue, pour des intérêts financiers aussi vils dans leurs buts immédiats que dans leur utilisation politique ! Combattre la drogue comme l'ennemie qu'elle est, je voudrais qu'on y mette d'autres forces et une autre volonté en laissant, par exemple, le temps aux policiers de remonter les réseaux et en donnant la chance aux juges de condamner ceux qui les tissent. Entre l'hameçon et les petits poissons, souvent les plus fragiles et les plus vulnérables d'entre nous, même la morale nous commande de choisir.

(1) « Réduction des risques chez les usagers de drogues. Synthèse et recommandations », Inserm, 30 juin 2010.

Michèle Delaunay

Médecin et députée (PS) de la gironde

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17:33 Publié dans medecine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : drogue, m delaunay