29/05/2013
Avant de partir....
Un poème , une photo , Prévert et Izis
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes des pays loin
cobayes des colonies
Doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manœuvres désœuvrés
Polacks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou bien du Finisterre
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd’hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez.
09:32 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : prévert et izis
04/05/2013
Enfants de la haute ville
Enfants de la haute ville
Filles des bas quartiers
Le dimanche vous promène dans la rue de la paix
Le quartier est désert
Les magasins fermés
Mais sous le ciel gris souris
La ville est un peu verte derrière les grilles des tuileries
Et vous dansez sans le savoir
Vous dansez, en marchant sur les trottoirs cirés
Et vous lancez la mode
Sans même vous en douter
Un manteau de fou rire
Sur vos robes imprimées
et vos robes imprimées sur le velous potelé
Et vos corps amoureux
Tout nouveaux tout dorés
Folles enfants de la haute ville
Ravissantes filles des bas quartiers
Modèles impossibles à copier
Cover girls
colored girls
De la Goutte d' Or ou de Belleville
De Grenelle ou de Bagnolet
Jacques Prevert et Izis 1951
18:49 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : prévert et izis