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15/03/2011

Psychiatrie : une loi sécuritaire qui dérange

Les députés examinent à partir d’aujourd’hui un projet de loi réformant les soins sous contrainte : les psychiatres et les magistrats dénoncent un texte sécuritaire, inefficace et inapplicable.

 

psychiatrie,une loi securitaireL'opinion de Pierre Faraggi, chef de service à l'hôpital de Cadillac et président de la CPH (1), sur le projet de loi.

« Sud Ouest ». Que vous inspire le début, aujourd'hui, de la discussion à l'assemblée nationale du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet d'un soin psychiatrique ?

Pierre Faraggi.

La loi, telle qu'elle est prévue, fait l'unanimité contre elle : psychiatres, personnel soignant, magistrats, certaines associations de patients et plusieurs partis politiques. Pourquoi avoir attendu vingt ans pour la modifier, alors que les choses ont beaucoup changé, le droit en particulier évoluant avec la législation européenne ? D'autant que cela n'a pas été étudié sérieusement. L'idée en fait a été posée, il y a un an, à la suite d'un fait divers dont le président de la République s'est emparé (NDLR : le meurtre d'un étudiant dans une rue de Grenoble à la suite de l'évasion d'un malade d'un hôpital psychiatrique).

Que reprochez-vous en premier lieu à cette future loi ?

D'être plus sécuritaire que sanitaire. D'ajouter - comme un empilement - des dispositions ingérables qui compliquent beaucoup l'entrée en unité de soins et encore plus la sortie. De marquer un tournant sécuritaire de la psychiatrie où le contrôle social généralisé de la normalité des comportements va remplacer l'accompagnement des personnes en souffrance psychique. De plus, la notion de trouble potentiel à l'ordre public va être renforcée. Une ivresse pathologique, une scène de ménage publique, une interpellation trop musclée pourront conduire à un enfermement prolongé sans raison médicale avérée.

Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas prévu que le juge des libertés et de la détention statue sur une mesure d'hospitalisation sans consentement au terme des quinze premiers jours ?

La justice ne disposera d'aucuns moyens supplémentaires pour cela, et elle est déjà débordée. De plus, l'intervention du juge ne concernera pas le bien-fondé de l'hospitalisation, qui deviendra une sorte de garde à vue psychiatrique.

Dans son état actuel, la psychiatrie publique a-t-elle les moyens de répondre à une sollicitation supplémentaire ?

Non. C'est une usine à gaz, et nous ne devons pas mettre sur le dos de la psychiatrie un dispositif condamnable. La psychiatrie publique ne peut plus répondre à ses missions fondamentales. Alors, les demandes supplémentaires… L'activité déambulatoire explose, l'urgentisation des demandes aussi. Et les moyens médico-sociaux sont nettement insuffisants. Nous allons même au-devant d'une catastrophe sanitaire majeure d'ici à 2015-2020. Actuellement, il y a déjà plus de 1 000 postes vacants de psychiatres dans les hôpitaux. Plus de 60 % des praticiens ont plus de 50 ans. Les hôpitaux sont à 110 % de leurs capacités d'accueil. Le nombre de lits ne cesse de diminuer : 140 000 en 1980, moins de 40 000 aujourd'hui. Et parallèlement le nombre de patients a augmenté de 50 % en quinze ans.

Ce projet de loi vous inquiète-t-il ?

J'estime que l'idée des soins en ambulatoire, qui risque de se généraliser en raison de l'encombrement des hôpitaux, porte atteinte à la vie privée et aux libertés publiques. Le fait que le préfet puisse faire prévaloir sa décision sur celle du juge me paraît grave, car nous, les psychiatres, n'avons aucune allergie à ce que ce soit une instance judiciaire qui valide ou invalide. Enfin, cette idée de casier psychiatrique est un élément discriminatoire et inutile.

15 mars 2011 06h00 | Par Hélène Rouquette-Valeins

 

psychiatrie,une loi securitairea lirE 

Fresnes, histoires de fous

de Catherine Herszberg

 

Ce livre est parti d'un constat : la prison est devenue un asile psychiatrique. Un prisonnier sur cinq souffrirait de troubles mentaux. Catherine Herszberg a donc choisi d'aller enquêter là où échouent ceux qui n'ont plus de place nulle part, ni à l'hôpital ni ailleurs. De décembre 2005 à avril 2006, elle a accompagné l'équipe psychiatrique de la prison de Fresnes. Introduite et guidée par Christiane de Beaurepaire, chef du service, elle a suivi les prisonniers, les malades, les soignants, les surveillants. Elle a circulé partout, écouté, regardé, interrogé les uns et les autres, et a rapporté de ce voyage des histoires. Des histoires de fous. Des fous que les prisons de France se refilent comme des 'patates chaudes'. Criminaliser la maladie mentale, c'est faire un prodigieux bond en arrière. Pourquoi cette régression ? Que penser d'une société qui enferme derrière des murs ses pauvres, ses marginaux, ses malades mentaux ?  (EVENE)

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