09/08/2007
CONTRATS LIBYIENS
Jean de Quengo de Tonquedec détaille pour Rue89 les règles et coutumes du commerce international des armes.
Nicolas Sarkozy l'a dit dimanche aux Etats-Unis en abordant la vente, pour 168 millions d'euros, de missiles anti-char à la Libye: "Ce contrat, ça fait dix-huit mois qu'on en discute, la transparence, elle était totale." Totale? Pas vraiment, si l'on en croit les confidences d'un ancien du milieu des armes.
Jean de Quengo de Tonquedec a l'apparence d'un vieil Africain blanc. La jovialité, la rudesse et la dose de cynisme qui sied à celui qui a vu et fait beaucoup de choses –pas toujours avouables– dans une vie de baroud. Ancien commandant d'une harka pendant la guerre d'Algérie, puis membre actif de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), il a ensuite passé trente ans à négocier la vente de véhicules blindés et de bateaux de guerre. D'abord pour le compte d'une filiale de Renault, la Société des matériels spéciaux, puis pour les Constructions mécaniques de Normandie, aujourd'hui propriété du Franco-Libanais Iskandar Safa. Retraité depuis peu, il détaille volontiers les grandes règles et petits arrangements du système français. Selon lui, l'un des "plus contrôlés au monde".
Les dictatures, ce négociateur connaît. Notamment la Libye du colonel Kadhafi, qu'il a fréquenté à plusieurs reprises dans les années 80 et 90. "La particularité de la Libye, dit-il, c'est qu'elle achète tout et qu'elle a du cash." Riche en pétrole et en gaz, ce pays a les moyens de payer grassement les marchands d'armes. Sans oublier de gros besoins militaires dans une zone agitée par les tensions nées du conflit du Darfour depuis quatre ans. Ce n'est donc pas un hasard si, depuis la levée de l'embargo sur les ventes d'armes en 2004, les grands acteurs du marché (dont la France) frappent à la porte du "guide" Kadhafi.
En janvier 2006, les Italiens furent les premiers à conclure un marché pour dix hélicoptères Agusta, officiellement pour la surveillance des frontières du pays. Anglais et Français proposent aussi leurs avions et leurs navires. Mais c'est finalement l'équipementier européen EADS (co-propriété du groupe Lagardère) qui va le premier fournir à Tripoli des missiles antichar Milan pour un montant global de 168 millions. Un joli contrat qui s'est certainement accompagné du versement de commissions, même si officiellement c'est une pratique interdite par la Convention de l'OCDE ratifiée par la France en 2000. Et même si, selon Jean de Tonquedec, la Libye n'a pas la réputation d'être "un pays très corrompu".
Dernière interrogation: quelles sont les clauses de l'accord de coopération militaire franco-libyen signé le 25 juillet à Tripoli, le lendemain de la libération des infirmières bulgares? Pour le moment, l'Elysée se refuse à en livrer le moindre détail, arguant d'un accord nécessaire de Tripoli pour dévoiler le texte. D'après l'entretien accordé par Saïf Al-Islam, fils du colonel Kadhafi, au journal Le Monde, il serait question "d'exercices militaires" et de la fourniture d'une "manufacture d'armes". Sans plus de précisions. Un beau terrain de recherche pour les futurs membres de la commission d'enquête parlementaire proposée par le Parti socialiste et dont le principe a été accepté par Nicolas Sarkozy.
"La transparence était totale", les discussions duraient depuis 18 mois mais secrètes........15:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
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