28/11/2007
BANLIEUES
A Villiers-le-Bel, où 30% des 16-25 ans sont sans emploi, "rien n'a été fait" pour les jeunes depuis l'explosion des banlieues en 2005, estime la directrice de la Mission Locale Val d'Oise-Est, Marie-Michelle Pisani, confrontée à une "désespérance" difficilement imaginable.
En 2006, près d'un quart des jeunes de Villiers-le-Bel appartenant à cette tranche d'âge (1.347, soit 24%) ont eu un "contact" avec la Mission locale, dont l'objectif est de réinsérer les 16-25 ans déscolarisés et sans emploi.
"Je ne suis pas étonnée par les violences, ça fait très longtemps qu'on sent que ça va exploser, il y a une telle désespérance, le sentiment que l'avenir est bouché", explique Marie-Michelle Pisani.
"On est confronté à des situations gravissimes tous les jours, notamment via le 'point santé' de la Mission, animé par un psychologue clinicien où la dimension de la souffrance qui s'exprime est énorme", confie-t-elle.
Depuis 10 ans, elle accueille, remotive, et tente de réinsérer, par la formation ou l'emploi, des jeunes qui cumulent plus de marqueurs de précarité et de pauvreté qu'ailleurs.
Alors que le taux de chômage des jeunes actifs français s'élève à 22% en moyenne (17,4% dans l'Union européenne), à Villiers-le-Bel, "30% des 16-25 ans" sont sans activité, "et certainement plus encore" dans les quartiers où a eu lieu l'accident qui a déclenché les flambées de violence, selon elle.
"Les jeunes se radient eux-mêmes (de l'ANPE) car ils ne vont pas s'inscrire ou ne se réinscrivent pas. Ils n'y trouvent que des contraintes", ajoute-t-elle. "Pourtant, lorsque les entreprises viennent faire des opérations de recrutement, elles les trouvent très bien, très motivés". "La dernière fois, Securitas a recruté dix personnes et a emporté six CV de plus (...) Ils avaient envie de faire quelque chose pour eux".
34% des enfants en retard scolaire au collège
Autre indicateur révélateur: dans cette ville, plus du tiers (34%) d'une génération d'enfants arrive au collège déjà en retard scolaire, un chiffre supérieur de plus de 11 points à la moyenne académique. Mme Pisani salue néanmoins l'"excellent travail" de l'éducation nationale pour repérer précocement les "décrocheurs" et éviter la déscolarisation avant 16 ans.
Depuis 2005, "on nous avait annoncé un plan Marshall (pour les banlieues), mais je n'ai vu aucun changement", dit-elle. "De nombreuses associations qui entretenaient le lien social dans les quartiers ont vu leurs financements diminuer".
Déficit de formation
Une mission "emploi-quartier" a "confirmé que l'ANPE ne rencontre que 15% des jeunes" et ce qui "scandalise" le plus Mme Pisani, "c'est le déficit d'offre de formation". "Sur notre territoire (41 communes), 76% des jeunes que nous orientons en formation choisissent des formations linguistiques, pour apprendre à bien communiquer en français, ce qui est le premier acte d'insertion dans la vie professionnelle".
Mais "les formations proposées sont de plus en plus destinées à des gens capables de s'exprimer. On n'a aucun outil pour des gens 'non communicants' ", se désole-t-elle. Et le budget formation 2007-2013 ne présente presqu'aucune amélioration.
"En 2003-2004, déjà, toutes les Missions Locales d'Ile-de-France s'étaient rassemblées pour réclamer un plan d'urgence pour la jeunesse, aujourd'hui il faudrait plus qu'un Grenelle. Vous ne pouvez pas mesurer la dimension de désespérance ici".
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