25/08/2008
Monsieur le Président, avec votre "pop économie", vous disloquez la France
Que nous disiez-vous en juillet 2007 ? Que grâce au « paquet fiscal », véritable acte fondateur de votre quinquennat, la France serait en meilleure forme, le pouvoir d’achat serait en hausse. Vous aviez, qui plus est, de votre côté la démographie qui mécaniquement allait faire baisser le chômage.
Un an après, votre bilan se lit sur les lieux de vacances des Français. Les restaurateurs disent comment les carafes d’eau ont remplacé les eaux minérales, comment seul l’enfant a droit au dessert… Ce n’est pas la misère, mais c’est une vraie tristesse, celle d’une population à qui vous avez tellement promis et qui va plus mal.
Au-delà des chiffres qui vous sont remis dans les notes du ministère du Budget, il y a des amertumes, des pertes d’espoir. Ce n’est pas avec une telle ambiance qu’un pays, même riche comme le nôtre, peut tracer des perspectives de progrès. « Il disloque la France, entre le club du Fouquet’s et les autres », me disait cet homme de plus de 85 ans, désolé pour son pays.
Demandez à vos amis grands patrons de vivre une semaine avec 200 euros
J’imagine que vos amis, vos relations, sont satisfaits de vos décisions et se plaignent seulement de la mauvaise conjoncture économique. Ils appartiennent à de grands groupes et fréquentent peu les patrons de PME. Demandez leur de participer à l’effort collectif en donnant, allez, juste le chèque fiscal qu’ils doivent avoir chaque année -qui représente une somme d’ailleurs difficile à placer en ce moment, et dont ils ont oublié le montant.
Et pour que tout se passe bien, proposez leur un jeu de rentrée : tenir la semaine avec 200 euros, déplacements compris. C’est simple à faire, l’expérience remettra les pendules à l’heure, et nous pourrons enfin travailler efficacement dès la rentrée parlementaire.
Votre entourage vous dira que la conjoncture mondiale est lourde et que la compétition est ardue. Certes. Mais dans cette compétition nous ne sommes pas sans « avantage comparatif », comme dirait la théorie de Ricardo, chère à votre famille de pensée. Encore faut-il préparer l’avenir grâce à une politique industrielle adaptée.
Dites-leur aussi que cette seule théorie ne peut justifier de baisser les salaires, les avantages sociaux, les services. Il y aura toujours des pays à coûts plus bas -comme l’illustrent les délocalisations actuelles de la Chine vers le Vietnam.
Un dumping social et fiscal tire l’avantage vers le capital au détriment du travail
Le refrain est connu de ce que Krugman appelait dès 1997 la « pop économie » : baisser les salaires et les cotisations sociales avec le prétexte de résister aux pays émergents. Mais comme l’explique Pierre Dockès (« L’enfer ce n’est pas les autres », éd. Descartes et Cie), ces mesures constituent une forme de mensonge pratiqué à l’échelle européenne (qui concentre 70% de nos échanges), un dumping social et fiscal pour tirer simplement l’avantage vers le profit du capital au détriment des salaires.
C’est une stratégie de court terme, d’appauvrissement global et d’injustice, qui en outre ne parvient pas à faire barrage aux pays émergents.
Pourquoi ne pas, en tant que Président temporaire du conseil européen, remettre en question cette « pop économie », néfaste à la grande majorité ? Monsieur le Président, vous ne pouvez pas continuer à créer ces insécurités sociales qui brisent la confiance et tuent les enthousiasmes.
Vous avez pris les décisions conformes à votre idéologie. Vous avez été élu pour cela, c’est la démocratie. Mais face aux résultats de ces choix, face à la défiance qui s’installe en France, pourquoi ne revenez-vous pas sur les cadeaux fiscaux qui ont englouti toute marge de manœuvre ?
Il vous faut revenir sur vos cadeaux fiscaux contraires à l’intérêt général
Vos ministres sont au travail ce début de semaine, mais ils n’ont pas cette clé, que vous détenez, pour retrouver des capacités d’action.
Il vous suffit de revenir sur vos cadeaux fiscaux contraires à l’intérêt général, et vous pourriez décider en cette rentrée d’être et juste et efficace. Vous pourriez investir vraiment dans la recherche et la formation, tout en donnant un coup de pouce à ceux qui peinent le plus.
Nous avons, Français et Européens, raté le virage des TIC [technologies de l’information et de la communication, ndlr], nous allons perdre ceux des biotechnologies et des industries de santé. En vous cachant derrière la conjoncture et la mondialisation, vous allez plomber les amorces de ce développement possible.
Nos politiques macroéconomiques sont tellement restrictives que nous dépendons de la bonne forme des États-Unis. Qui plus est, lorsqu’ils sortiront de crise, nous mettrons des mois à en sortir aussi, gâchant encore des chances de développement.
La grande majorité des Français se voit privée d’« un peu de bon temps »
C’est paradoxalement maintenant qu’il faut investir dans des secteurs d’avenir.
C’est maintenant qu’il faut passer des contrats exigeants avec des entreprises pour qu’elles acquièrent les nécessaires et raisonnables avances et qu’elles confirment nos « avantages comparatifs » .
C’est maintenant aussi qu’il faut donner du pouvoir d’achat parce que c’est juste et parce que les petites entreprises en ont besoin, vite !
Que la mondialisation ne soit pas aujourd’hui régulée ne peut pas être un prétexte à se contenter de favoriser le profit au détriment des salaires et d’attendre ! La grande majorité des Français se voit privée de ce qui fait l’équilibre des vies difficiles, « un peu de bon temps ».
Monsieur le Président, les choix de la rentrée parlementaire sont simples : continuer la spirale de la régression sociale et de la pression à la baisse sur les salaires, ou bien choisir la voie d’un partage équilibré entre profit, investissements et salaires, mettre en œuvre une politique industrielle efficace et motiver les salariés. Vous en aviez les moyens, il n’est pas trop tard pour les retrouver.
11:36 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique
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