13/03/2014
Van Gogh et Artaud
Les deux géants de l’art - lumineux dans leur œuvre et ténébreux dans leur vie- se donnent un rendez-vous inédit au Musée d’Orsay à Paris. A partir de ce mardi 11 mars, Van Gogh / Artaud
En 1947, Antonin Artaud écrit un texte magnifique sur le peintre hollandais. Qui sert de fil rouge à une exposition non moins passionnante sur le peintre hollandais au musée d’Orsay.
Vincent Van Gogh, Portrait de l’artiste, Paris, automne 1887 (© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Gérard Blot) + Man Ray, Antonin Artaud, 1926 (© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jacques Faujour © Man Ray Trust / ADAGP, Paris 2014)) Photomontage/RFI
"Artaud et Van Gogh avaient beaucoup de points communs. Cette proximité explique sans doute la thèse défendue par Antonin Artaud dans son livre. Le poète s'insurge contre le jugement porté sur la santé mentale de Van Gogh. Il soutient que le peintre n'était pas fou et que c'est la société par son indifférence qui l'a poussé au suicide.
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, Antonin Artaud fait de la violence de Van Gogh la réponse à l'obscénité haineuse du monde et des psychiatres ; de sa folie, une réponse de l'âme à l'imbecillité universelle qui lui souffle "Vous délirez". Alors Van Gogh s'est tué parce qu'il ne pouvait pas tuer le psychiatre, le docteur Gachet. Il s'est tué parce qu'il ne pouvait plus supporter ce "délire" qu'on attachait à ses pas. "Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli. Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain, preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,par le fait même,un formidable musicien".
"Non Van Gogh n’était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l’angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie" et des politiques d’alors, fustige le poète. Pour écrire son petit livre, il a visité l’exposition Van Gogh qui se tient à l’Orangerie début 1947 et s’est fait lire à voix haute les lettres du peintre à son frère Théo."
Quand Vincent van Gogh se suicide en juillet 1890, il laisse une œuvre considérable, pas moins de 879 peintures, gravures et dessins. Mais il laisse aussi une correspondance capitale comprenant plus de 800 lettres, écrites entre 1872 et sa mort. 668 sont adressées à son frère Théo, son confident, son ange gardien éternellement présent, qui a toujours cru en sa peinture et l'a soutenu matériellement et moralement jusqu'à sa mort.
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La dernière lettre, celle que Vincent portait sur lui le 29 juillet 1890
Sans date
Mon cher frère,
Merci de ta bonne lettre et du billet de 50 francs qu'elle contenait.
Puisque cela va bien, ce qui est le principal, pourquoi insisterais-je sur des choses de moindre importance, ma foi, avant qu'il y ait chance de causer affaires à têtes plus reposées, il y a probablement loin.
Les autres peintres, quoi qu'ils en pensent, instinctivement se tiennent à distance des discussions sur le commerce actuel. Eh bien ! vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux.
Mais pourtant mon cher frère, il y a ceci que toujours je t'ai dit et je te le redis encore une fois avec toute la gravité que puisse donner les efforts de pensée assidument fixée pour chercher à faire aussi bien qu'on peut - je te le redis encore que je considérerai toujours que tu es autre chose qu'un simple marchand de Corot, que par mon intermédiaire tu as ta part à la production même de certaines toiles, qui même dans la débâcle gardent leur calme.Car là nous en sommes et c'est là tout au moins le principal que je puisse avoir à te dire dans un moment de crise relative.
Dans un moment où les choses sont fort tendues entre marchands de tableaux - d'artistes
morts - et d'artistes vivants.
Eh bien ! mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié - bon - mais tu n'es pas dans les marchands d'hommes pour autant que je sache, et puisse prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité. Mais que veux-tu?
Sources, Le nouvel obs culture, France info culture
14:17 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Non, Vincent n'était pas fou... il était juste désespéré de n'être point reconnu. Beau billet Noëlle... Bises
Écrit par : eva | 13/03/2014
C'est quand même triste que ces magnifiques peintres ne soient reconnus qu'une fois morts ! Je me suis déjà baladée à Auvers sur Oise et j'aime beaucoup ses tableaux. Dire que qu'une personne est folle n'est qu'un jugement humain. Bises Noëlle
Écrit par : danae | 14/03/2014
C'est un très beau billet, j'aime beaucoup ces peintures très colorées. Une exposition que j'aimerais beaucoup voir. Bonne fin de semaine.
Écrit par : Solange | 14/03/2014
Encore faudrait-il définir le mot "folie".
Le génie n'est-il pas l'autre versant de la folie?
Autant de questions se posent dans ce monde où la psychiatrie s'est adoucie mais où certaines substances mènent parfois à de véritables délires!
Un vaste débat Noëlle n'est-ce pas?
Bises.
Evelyne
Écrit par : evelyne b. | 14/03/2014
ça me fait plaisir de voir ton blog..! je ne vais plus trop sur les blogs ni le forum paris-pékin (où j'ai appris la triste nouvelle pour Fabrice). J'a vu une expo de van Gogh à Amsterdam, ça m'a remué le coeur et chauffer l'esprit :) bisous !
Écrit par : Anne | 15/03/2014
"C'est quoi être normal ? " Oui , Evelyne , vaste débat !
Quel plaisir aussi Anne de te retrouver ! je vais venir te lire !
Eva , danae , Solange , Evelyne , Anne , des bisous
Non, Vincent n'était pas fou....
Écrit par : noelle | 16/03/2014
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