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21/05/2012

Un billet à lire

economie grèce mythe politique sociétéExplosons ce mythe des grecs ineptes et paresseux [traduction]

19 mai 2012


(Buste d'Hadès. Marbre, copie romaine d'un original grec du Ve siècle av. J.-C. ;(source Wikipédia)


Je vous propose la traduction (imparfaite, je m’en excuse) de cet article d’Alex Andreou qui revient sur une série de mythes et sur la vie classique en Grèce d’une mère qui a traversé l’histoire en travaillant dur.

Des mythes et une histoire qui me donne souvent envie de crier FORT contre ces préjugés.

Et tenter par ces lignes de partager la vérité que je vois chaque jour, d’une vie dure, où chaque centime d’euro compte, où chaque discussion se termine en échange sur la crise. Partager ce texte permettra j’espère d’ouvrir les yeux de ceux qui pensent encore que nos frères et soeurs grecs sont les uniques responsables de cette situation.

Les stéréotypes et les faussetés sont partout, mais cette crise économique n’est pas le résultat auto-infligé d’une éthique laxiste du travailleur méditerranéen

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Maria est née à Paros en 1942. Le pays était sous l’occupation nazie. Elle a connu la peur réelle, la vraie pauvreté, la famine, des raids à la bombe et les exécutions. Elle a survécu à la guerre et est allé à l’école catholique des filles. Maria était bonne en sport et une excellente chanteuse. Elle a quitté l’école supérieure, s’est mariée, a commencé à travailler pour le musée archéologique de Mykonos, d’où elle a pris sa retraite 44 ans plus tard à l’âge de 64 ans – un an avant la date officielle – dans le but de s’occuper de son mari qui mourait d’un cancer du pancréas.

Maria a eu deux emplois la plupart de sa vie – les temps étaient souvent difficiles. Elle a contribué à sa retraite et a fait des économies. Elle a élevé trois enfants. Elle était assise à sa machine à coudre pendant de nombreuses soirées, modifiait ses jupes, de sorte qu’elles n’aient pas l’air d’être des années 50 dans les années 60, de sorte qu’elles n’aient pas l’air d’être des années 60 dans les années 70.

Il y en a des millions comme elle. Elle est un exemple typique de la femme grecque paresseuse et  irresponsable.

Voici le premier : Cette crise vient de Grèce. Ce n’est pas le cas. Elle n’est que l’inévitable retombée de la crise mondiale qui a débuté en 2008.

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Y a-t-il des caractéristiques de l’économie grecque qui l’a rendu particulièrement vulnérable? Oui – il y a une corruption rampante, une mauvaise gestion, des problèmes systémiques, un marché noir. Tout cela a été explorée ad nauseam. Il y a d’autres facteurs, aussi, rarement mentionnés. La crise est survenue à un moment particulièrement mauvais pour la Grèce – quatre ans après que cette petite économie  soit surchargée par la mise en place des Jeux Olympiques géants et prouver au monde qu’elle avait «réussi». Lorsque la crise est arrivée, le pays ne disposait pas des mécanismes monétaires et budgétaires pour y faire face, en raison de son appartenance à la monnaie unique.

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Cependant, tout ce qui précède sont des facteurs qui contribuent – ni plus ni moins. Le catalyseur a été le comportement du secteur financier après la crise. Voici ce que Angela Merkel avait à dire en Février 2010, lorsque le «problème grec» est arrivé dans ses pensées, tel que rapporté par Bloomberg :

La chancelière allemande Angela Merkel a critiqué la spéculation contre l’euro, en disant que les institutions financières renflouées par des fonds publics sont l’exploitation de la crise budgétaire en Grèce et ailleurs. Dans un discours prononcé à Hambourg, elle a attaqués les spéculateurs sur les devises, qui, selon elle, profitent de la dette entassée par les gouvernements de la zone euro pour lutter contre la crise financière. « La dette qui devait être accumulée, quand cela allait mal, est en train de devenir l’objet de spéculations précisément par ces institutions que nous avons sauvé un an et demi auparavant. C’est très difficile de l’expliquer aux gens qui devraient nous faire confiance dans une démocratie. « 

Et comme il était difficile de l’expliquer, il semble qu’elle y renonça.

La crise est d’ordre financier. Elle ne l’est pas. Il s’agit d’une crise politique et idéologique. Les difficultés d’une économie de la taille de la Grèce (1,8% du PIB de la zone euro, 0,47% du PIB mondial selon les chiffres de 2010 du FMI ) ne devrait guère avoir d’écho sur le radar mondial.

La principale raison de la panique généralisée est l’interdépendance du secteur bancaire – la faiblesse même systémique qui a causé l’effet domino en 2008 et dont le monde a collectivement échoué à traiter ou à réglementer.

La seconde raison est le refus de la zone euro de permettre à la Grèce de procéder à ce que la plupart des commentateurs ont considéré comme un défaut inévitable depuis de nombreux mois maintenant.

Ces deux facteurs sont issus de l’absence de décisions politiques et pas de la politique budgétaire.

Les grecs sont paresseux. Cela souligne une grande partie de ce qui est dit à propos de la crise, l’implication étant vraisemblablement que notre laxisme méditerranéen dans l’éthique au travail est au cœur de notre chute auto-infligée.  Et pourtant, les données de l’OCDE montrent qu’en 2008, les Grecs ont travaillé en moyenne 2120 heures par an. C’est 690 heures de plus que la moyenne allemande et 467 de plus que la moyenne du Royaume-Uni [ndlr : et 576 de plus que la moyenne française]. Seuls les Coréens travaillent plus longtemps. Le droit au congé payé en Grèce est en moyenne de 23 jours, inférieur au minimum du Royaume-Uni (28) et de l’Allemagne

Les grecs prennent une retraite anticipée. Le chiffre de 53 ans comme un âge moyen de la retraite est galvaudé. Tant et si bien, qu’il est devenu un fait populaire. Ce chiffre vient d’ un commentaire sur le site du New York Times. Il a ensuite été repris par Fox News et diffusés dans d’autres publications. Les fonctionnaires grecs ont la possibilité de prendre leur retraite après 17,5 années de travail, mais pour une demi-retraite. Le chiffre de 53 est un amalgame ignorant du nombre de personnes qui choisissent de le faire (dans la plupart des cas pour aller vers des carrières différentes) et ceux qui restent dans la fonction publique jusqu’à ce que leur droit à une retraite complète devienne disponible.

En regardant les données d’Eurostat de 2005, l’âge moyen de sortie du marché du travail en Grèce (indiqué dans le graphique ci-dessous EL pour Ellas) était de 61,7 : plus élevé que l’Allemagne, la France ou l’Italie et plus élevé que la moyenne de l’UE27. Depuis lors, la Grèce a eu à relever l’âge minimum de départ à la retraite deux fois en condition du renflouement : ce chiffre est donc susceptible d’augmenter encore.

Les grecs veulent le prêt, mais pas l’austérité qui va avec. Il s’agit d’un mensonge fondamental. Les grecs protestent parce qu’ils ne veulent pas le prêt du tout (ou de l’intrusion étrangère qui va avec). Ils ont déjà accepté des réductions qui seraient impensables au Royaume-Uni [ndlr : et je ne vous dis pas en France...]. Il ne reste plus rien à réduire. Les corrompus, les escrocs, les méchants, nos glorieux dirigeants ont déjà tous transféré leur fortune dans des banques luxembourgeoises [ndlr : ou suisses, chypriotes, ...]. Ils ne souffriront pas. Pendant ce temps Médecins du Monde distribue des colis alimentaires dans le centre d’Athènes.

 

Le déficit annuel total de la Grèce est de 53 milliards d’euros. De ce déficit, notre déficit budgétaire primaire est, en fait, en dessous de 5 milliards d’euro. Les autres 48 milliards d’euro correspondent au service de la dette, y compris ceux des prêts précédents, et un tiers de cette somme étant purement les intérêts. L’Europe ne renfloue pas la Grèce. C’est un renflouement des banques européennes qui ont donné de plus en plus imprudemment ses prêts. On demande à la Grèce d’accepter la pleine responsabilité comme un  mauvaise emprunteur, mais personne ne se penche sur la contribution des prêteurs imprudents.

 

Les politiciens occidentaux ont développé un penchant pour rester sur un balcon et se laver les mains comme Ponce Pilate : conférences d’en haut sur les maisons en feu et sans issue de secours . Cela pose facilement un voile sur la vérité – que notre maison a peut-être été mal construite, mais ce sont les incendiaires de Wall Street et le Square Mile qui ont versé de l’essence dans notre boîte aux lettres et a commencé ce feu.economie grèce mythe politique société

 

Nassim Nicholas Taleb est le philosophe libano-américain qui a formulé la théorie des évènements du «cygne noir» [ndlr voir ici] imprévisibles, les événements imprévus qui ont un impact énorme et ne peuvent être expliqués par la suite. L’année dernière, il a été demandé par Jeremy Paxman si les gens  qui envahissaient les rues à Athènes était un évènement du cygne noir. Il a répondu: « Le réel évènement du cygne noir est que les gens ne font pas d’émeutes contre les banques à Londres et à New York. »

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Maria n’a jamais esquivé une taxe dans sa vie. Elle ne conduit pas une Porsche et n’a pas de yacht. Elle n’a pas voté depuis dix ans – « ceux sont tous les mêmes», dit-elle, « des menteurs et des escrocs ». Sa pension a été réduité à 440 € par mois. Ses prestations n’ont pas été payées depuis presque un an. Elle fait face à la même inflation galopante que nous subissons. Elle est épuisée, mais pas vaincue.

 

Maria cultive des fruits et légumes autant qu’elle le peut dans sa petite « pervoli ». Elle garde des poulets de telle sorte que ses petits-enfants peuvent avoir les œufs les plus frais. Elle chante toujours admirablement. Elle se bat quotidiennement avec la maladie d’Alzheimer, regarde des photos de son défunt mari et sourit, assise à sa machine à coudre, encore, à modifier les mêmes vieilles jupes.

 

Il y en a des millions comme elle. Elle est l’exemple typique d’une femme grecque forte et provocante, ma mère.

Par ALEX ANDREOU, publié le 18 mai 201

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Merci à Fanny