29/12/2010
Les origines, on s'en fout !
Les films arrivent bien souvent un peu tard, il faut le temps d'écrire le scénario, trouver les financements, tourner, monter... et le temps de tout ça, l'actualité n'a pas cessé, même, le pouvoir en place a enterré son ministère de l'immigration et de l'identité nationale. Pourtant, que le film Le nom des gens est une belle réponse à l'obsession identitaire qui a soudainement saisi notre pays, une claque toute de légèreté, de poésie et de vérité aux nez de Sarkozy, Besson et Hortefeux - sans compter les Ciotti, Estrosi et autres adeptes de la sécurité, des caméras dans les rues et du bilan positif de la colonisation...
Jacques Gamblin, éternel pierrot lunaire, est touchant et parfait dans son rôle d'Arthur Martin, Français de souche en apparence, et justement invisible à cause de cela, et pourtant Cohen de par sa mère, secret bien gardé dans la famille puisque les grands-parents maternels sont morts à Auschwitz - lisant les listes de Cohen au Memorial de la Shoah, Arthur s'écrie: les Cohen, ce sont les Martin des Juifs. Sara Forestier - l'actrice si époustouflante de L'Esquive - n'est pas moins bien dans le rôle de Bahia, fille hyper-engagée au point d'user de son corps pour convertir les "fachos" à ses idées de gauche - oui, c'est un film de gauche qui s'assume (et qui assume donc de déplaire et de se priver d'un bon nombre de spectateurs [et de Français!], puisqu'on y voit même Jospin, tout à son aise, faire une apparition.
Les personnages "secondaires" ne sont pas moins intéressants: le père d'Arthur (Jacques Boudet), protégeant sa femme au point de rendre toute allusion au génocide juif tabou, le père de Bahia (Zinedine Soualem), algérien taiseux, artiste qui cache son talent derrière une serviabilité excessive. Une des scènes les plus touchantes est peut-être celle de la mère d'Arthur qui se voit contrainte de prouver qu'elle est Française après le vol de ses papiers, elle qui dut taire une identité et en acquérir une autre pour se sauver - honte à un pouvoir qui a fait renaître des angoisses qu'on croyait dépassées. Le scénario a bien quelques ratés vers la fin, mais on reste sous le charme d'un film intelligent qui réussit à slalomer entre nos modernes travers qui nous font nous alarmer trop vite au sujet d'un retour de l'antisémitisme ou d'une mise en danger de la laïcité.
Quand, incroyablement étourdie, Bahia monte nue dans une rame de métro, elle s'assoit comme par hasard devant un couple musulman dont la femme porte un niqab: contraste de la nudité et du voile. Nos députés ont voté une loi pour interdire l'anonymat du visage, ils n'ont pas revu les interdits qui pèsent sur celui du corps: on ne doit sortir dans la rue ni totalement couvert ni totalement nu. La société impose des normes sans revoir les anciennes qui font d'un simple corps nu une atteinte à la pudeur... nous vivons une époque moderne disait un certain. Les fesses superbes de Sara Forestier tout au long du film sont une belle atteinte à la pudeur, elle va libre et répond aux femmes voilées bien mieux que les politiques adeptes de la norme qui ont préféré interdire le voile plutôt qu'autoriser le nu! - Mai 68 (et l'été 69) sont à des années-lumières de notre sinistre époque.
Pour revenir au thème central du film, il faut noter la belle conclusion: ils se marièrent et eurent un premier enfant qu'ils prénommèrent Chang. Quand l'infirmière leur demanda: c'est de quelle origine? ils répondirent en coeur, excédés: on s'en fout des origines!
23:48 Publié dans cinema | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : on s'en fout des origines!film, le nom des gens