15/02/2011
Par Edwy Plenel
Le monde Arabe
La vision du monde arabe vulgarisée dans nos contrées se brouille et s'efface. On le croyait soumis à des régimes autoritaires ou enfermé dans l'extrémisme religieux, et voici qu'on découvre des peuples animés d'idéaux démocratiques, de liberté et de justice sociale. Et si c'était là sa vérité profonde?
De Tunisie en Egypte, sans oublier tous les pays du monde arabe et, plus largement, du monde musulman, qui vibrent en écho, nous sommes désormais devant un événement pur dont on ne saurait prévoir les rebondissements. Qu'il soit imprévisible est justement sa vertu première : il ébranle ce qui apparaissait inébranlable, il bouscule ce qui était immobile, il déstabilise ce qui semblait immuable.
Or c'est bien cela que, dans l'histoire, on nomme une révolution : non pas ce que l'on prévoit ou que l'on maîtrise, mais ce qui survient sans avertir et qui invente son chemin, sans programme, parti ou leader préétablis. Une révolution véritable n'est pas le coup de force de quelque avant-garde autoproclamée, préfiguration des dominations de remplacement : elle se joue et s'invente, à la manière d'un pari pascalien, sans autre garantie que l'espérance.
Qu'elle réussisse ou bien qu'elle échoue, qu'elle soit écrasée ou confisquée, c'est donc une autre affaire dont le temps n'est pas seul maître, tant les autres peuples du monde en sont aussi acteurs, selon qu'ils seront indifférents ou solidaires, ne serait-ce qu'à travers l'attitude de leurs gouvernements sur laquelle ils peuvent peser.
Aussi la nécessaire prudence ne saurait exclure, chez l'observateur, l'empathie, entre enthousiasme et inquiétude, bref, cette curiosité généreuse pour des événements qui offrent une chance inespérée de secouer un double carcan: celui qui, d'un côté, enfermait les peuples arabes dans le malheur et l'oppression, le déni de la justice et du droit, et qui, de l'autre, emmurait le reste du monde dans la peur des désordres extrémistes nés de ces souffrances, menaces qui servaient d'alibi à l'infinie prolongation des injustices et des inégalités, symbolisée par le funeste sort fait au peuple palestinien.
« Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve », n'a cessé de répéter, citant un poème d'Hölderlin, Edgar Morin dans sa quête d'une voie humaine nous permettant d'échapper aux catastrophes, tragédies et misères qui, produits de nos irresponsabilités et de nos inconsciences, s'accumulent à l'horizon. Souci de l'événement en train de se faire, bouleversant les certitudes et inventant l'impossible, la sociologie du présent qu'il a toujours défendue dans ses travaux rejoint sa réflexion philosophique sur « le surgissement de l'inattendu et l'apparition de l'improbable » comme « principe d'espérance». Nous voici donc devant l'inattendu et l'improbable, comme le furent tous les grands tournants de l'histoire mondiale avant que les historiens ne viennent nous en expliquer la lente maturation.
Face à cette révolte pacifique d'une rue arabe qui ne s'est d'ailleurs pas exprimée qu'en Tunisie ou en Egypte, mais aussi, entre autres, en Jordanie ou au Yémen, un souvenir s'impose spontanément : celui de cet événement improbable et inattendu que fut la chute du Mur de Berlin en 1989, à la fin de l'année où, en France, nous commémorions le bicentenaire de notre première révolution démocratique, celle de 1789, également imprévisible pour ses contemporains et improbable dans ses conséquences universelles.
Mais l'on se souvient aussi que 1989 fut l'année de l'écrasement du Printemps de Pékin, rappel que ces surgissements révolutionnaires ne sont jamais joués dès le départ. Il leur faut, pour réussir à renverser l'ordre existant, d'autres ingrédients que la seule force protestataire de manifestants pacifiques : ces contradictions accumulées qui, en haut, rendent intenable la poursuite d'une domination devenue, en bas, insupportable.
06:00 Publié dans SOLIDARITE | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : le monde arabe, revolution
12/02/2011
«Révolution du jasmin» en Tunisie, «révolution du Nil» en Egypte...
La liesse de tout un peuple !
"Au Caire, la fête s'est prolongée très tard pour célébrer le départ de Hosni Moubarak. Dans les rues, beaucoup d'espoir; quasiment aucune crainte. Et un immense sentiment de fierté."
Je salue leur courage
15:42 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : tunisie, egypte, révolution