02/01/2008
Ressources inhumaines
Ken Loach signe une chronique acerbe du monde capitaliste.
Tandis que, dans l’euphorie sarkozyenne ambiante, il est de bon ton de s’extasier sur la prospérité de l’économie britannique et la baisse exemplaire du nombre de ses chômeurs, le nouveau film de Ken Loach vient souffler un petit vent cinglant de désespoir social parfaitement salutaire. Un avertissement s’impose auprès des spectateurs sensibles : il n’est pas impossible de discerner dans It’s a Free World un message de gauche, même si ce n’est plus la mode, et sortir de la salle infiniment moins confiant dans l’avenir qu’en y entrant. Vous voilà prévenus.
Sainte colère. Comme presque toujours chez le cinéaste et documentariste, son film est tourné au ras du trottoir glacé de Londres, qui a rarement semblé à la fois si moderne et cafardeux. Pas de masure insalubre ou de ruelle en briques rouges de carte postale dans cet East End, mais une ville proprette, bourrée de jeunes gens bien sapés, aux dents acérées. Une ville qui sait également dissimuler ses arrière-cours nauséabondes, qui n’ont rien à envier aux sordides quartiers ouvriers de l’imagerie victorienne. Désormais, pauvre comme riche, chacun a sa chance dans cette économie de marché où «gagner plus» est le seul horizon qui vaille, peu importent les moyens pour y parvenir. Certes, le discours n’est pas exactement une révélation, mais Loach a le bon goût de ne jamais verser dans la caricature et a surtout trouvé en Kierston Wareing une actrice principale formidable de justesse et de charme.
Elle est Angie, une jolie trentenaire, blondinette boudeuse et un peu vulgaire, dotée d’un accent cockney auquel elle pourrait accrocher son casque de moto. Elle connaît mieux que personne les règles de ce free world qui renvoie au titre. Angie est animée d’une sainte colère et d’une féroce envie de s’en sortir. Autrement dit, assurer l’avenir de son enfant en le faisant étudier dans une école chic, rouler dans une grosse bagnole et entasser du fric. Chaque jour, chaque minute, elle ne pense qu’à ça. Comme son père et probablement les dix générations de prolos qui l’ont précédée, elle trime telle une bête de somme. Comme on se venge d’une vieille histoire douloureuse, et pas dans une usine ou à la mine. Elle bosse pour une boîte d’intérim, euphémisme qui cache à peine une forme parfaitement légale d’esclavage moderne.
14:47 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bon dimanche ,merci pour cet article...bisou
Écrit par : Colette | 06/01/2008
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