Partir.
Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas
l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot
mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?
Je retrouverais le secret des grandes communications et des grandes combustions. Je dirais orage. Je dirais fleuve. Je dirais tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies, humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots en chevaux fous en enfants frais en caillots en couvre-feu en vestiges de temple en pierres précieuses assez loin pour décourager les mineurs. Qui ne me comprendrait pas ne comprendrait pas davantage le rugissement du tigre. Et vous fantômes montez bleus de chimie d'une forêt de bêtes traquées de machines tordues d'un jujubier de chairs pourries d'un panier d'huîtres d'yeux d'un lacis de lanières découpées dans le beau sisal d'une peau d'homme j'aurais des mots assez vastes pour vous contenir et toi terre tendue terre saoule terre grand sexe levé vers le soleil terre grand délire de la mentule de Dieu terre sauvage montée des resserres de la mer avec dans la bouche une touffe de cécropies terre dont je ne puis comparer la face houleuse qu'à la forêt vierge et folle que je souhaiterais pouvoir en guise de visage montrer aux yeux indéchiffreurs des hommes une pensée pour Aimé Cesaire poète de l'universelle fraternité Resister, persister,insister ..pour exister |
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Commentaires
Très beau ce texte.
Je ne sais pas si Césaire a tellement valorisé la fraternité, la révolte plutôt.
Il a surtout donné la dignité et le fierté à ceux qui pensaient ne pas en avoir.
Écrit par : Rosa | 17/04/2008
"C'était un éclaireur, pour que chacun prenne son propre chemin. Pas un père littéraire, mais un éveilleur de liberté",
«Liberté, égalité, fraternité, prônez toujours ces valeurs, mais tôt ou tard, vous verrez apparaître le problème de l’identité. Où est la fraternité? Pourquoi ne l’a-t-on jamais connue? Précisément parce que la France n’a jamais compris le problème de l’identité. Si toi, tu es un homme avec des droits avec tout le respect qu’on te doit, et bien moi aussi, je suis un homme, moi aussi j’ai des droits. Respecte-moi. A ce moment-là, nous sommes frères. Embrassons-nous. Voici la fraternité"....
Écrit par : noelle | 17/04/2008
merci pour ce texte
nous avions inclu des textes de cet auteur dans un spectacle (joué actuellement par des lycéens)
en septembre personne du groupe ne le connaissait
Écrit par : neige | 08/05/2008
Triste
mais pas trop étonnée
merci neige de ta visite
Écrit par : noelle | 08/05/2008
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