30/04/2008
Laurent Terzieff
le crucifié des hautes paroles
« On n’éclaire pas sans brûler » disait Nicolas de Staël, et Laurent, immense charbon noir, aura tant et tant brûlé pour nous faire lumière et nous apporter le feu volé aux dieux et surtout à la nuit.
Emacié comme un christ flamand, avec son sourire fait des ronces des douleurs du monde, il semble toujours faire sacrifice de lui-même pour que les hautes paroles des poètes ne restent pas cachées dans leurs hautes solitudes.
« Se mettre à l'écoute du monde, pour en être la caisse de résonance ». telle aura été sa trajectoire aveuglante, calciné lui-même, il dépose avec son sourire déchiré son amoureuse sagesse.
Derrière les carreaux, le vent fait danser des ombres lentes.
Les visages n’osent plus apparaître, ils sont sans doute éteints depuis si longtemps, Laurent leur redonne vie à ces enfants de Malte Laurids Brigge de Rilke, à ceux des demeures enfouies sous les orties et les violettes de Milosz, à ceux des forêts froides de Berthold Brecht.
Laurent Terzieff est le grand témoin des biefs de la douleur d’être au monde, de ses joies aussi, quand simplement la pluie des mots nous rafraîchit.
« Le monde triste et beau qui ressuscite soudain »
Le cinéma aura bâti une image de lui loin de sa réalité.
Certes Rossellini, Pasolini, Bunuel, Carné, Garrel ce n’est point mineur, mais Laurent Terzieff s’est avant tout voulu acteur de théâtre, adaptateur de textes inconnus en France, metteur en scène et directeur de sa troupe. Passeur en poésie donc, mais aussi en théâtre nous faisant découvrir des auteurs rares avec sa compagnie, fondée contre vents et pas mal de marées dés 1961.
Pour elle il aura accepté des rôles alimentaires, mais l’imposture par le mensonge du cinéma des traits figés du romantique tricheur, il l’aura laissée dans les ornières des apparences.
Claudel, Schisgal, Albee, Saunders, Mrozek, Milosz, Rilke,Pirandello, Harwood, et tant d’autres sont revenus parmi nous grâce à lui.
Mais le plus beau don sera et restera celui de la poésie réincarnée, et il joue seul, maintenant que la douce et lumineuse Pascale de Boysson s’est absentée, un florilège de poèmes. Réconfort, dernier passage, la poésie aura peut-être volé sa mort, mais elle aura sauvé sa vie sa vie.
Ces paroles de Terzieff sur Milosz sont presque autobiographiques
Et je ne peux plus, non, je ne peux plus, je ne peux plus ! »
Cette citation du poème « La charrette », poème qui tient tant à cœur à Laurent, en dit suffisamment sur ce théâtre-miroir, lieu de fusion entre visible et invisible qui fut toute sa vie, elle en dit aussi beaucoup sur l’homme.
Homme à la solitude acceptée et bienvenue, homme libre et désenchanté, Terzieff est ce grand corps troué d’étoiles, posé parmi nous, au doux milieu de nous.
Il nous donne à manger dans sa main le pain noir,le lait et le miel sauvage de la poésie
« Et c’est vous et c’est moi. Vous et moi de nouveau, ma vie ».
Association Esprits Nomades
14:19 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : coup de coeur
Commentaires
TB, je ne venais pas encore chez toi.
Oui j'aime cet acteur !
Écrit par : alsacop | 26/04/2010
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