Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/08/2013

Pour écrire un seul vers

Rilke.3.jpgPour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin.

Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela.

 

Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups.

Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.
***
Rainer Maria Rilke (1875-1926) – Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

dobrinsky-isaac-2.jpg

Lectrice peinte par Isaac Dobransky

Commentaires

Tout cela est bien vrai pour pouvoir écrire il faut avoir du vécu. Bonne journée.

Écrit par : Solange | 28/08/2013

La vie fait de nous ce que nous sommes, en effet. Chaque rencontre, chaque vécu est important. Chacun de nous réagira de manières différentes en fonction de son propre vécu et deviendra ce qu'il doit être, lié par des évènements, des rencontres, des joies, des épreuves, des peines... Bonne après-midi Noëlle.

Écrit par : Cathy | 28/08/2013

bisous bonne journée

Écrit par : mamita | 29/08/2013

On peut aussi écrire ses souvenirs en prose, mais les vers c'est plus joli !!! Bises Noëlle

Écrit par : danae | 29/08/2013

Bien sûr Danae, et tu fais çà très bien ! vous, Cathy, Solange , Mamita, faites çà très bien ! vos souvenirs en prose...

Bises

Écrit par : noelle | 30/08/2013

"Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent."
Sourire: c'est un peu ce qui arrive avec mes photos d'été...

Écrit par : Louis-Paul | 30/08/2013

Quand ils reviennent...petits bonheurs !
Bises Louis-Paul

Écrit par : noelle | 30/08/2013

Je crois que pour écrire tout court, il faut avoir vécu. Si je me suis mis à l'écriture à 50 ans passés, c'est mon vécu qui me sert de "mines à histoires". A 20 ans je n'avais rien à dire que des émotions...

Écrit par : Jeanmi | 30/08/2013

Les commentaires sont fermés.