25/11/2017
Nous avons besoin de mots du poète...
Un message
« Je veux une poésie du monde, qui voyage, prenne des trains, des avions, plonge dans des villes chaudes, des labyrinthes de ruelles. Une poésie moite et serrée comme la vie de l’immense majorité des hommes. Je veux une poésie qui connaisse le ventre de Palerme, Port-au-Prince et Beyrouth, ces villes qui ont visage de chair, ces villes nerveuses, détruites, sublimes, une poésie qui porte les cicatrices du temps et dont le pouls est celui des foules.
Je veux une poésie qui s’écrive à hauteur d’hommes. Qui regarde le malheur dans les yeux et sache que dire la chute, c’est encore rester debout. Une poésie qui marche derrière la longue colonne des vaincus et qui porte en elle part égale de honte et de fraternité. Une poésie qui sache l’inégalité voracité du malheur.
Je veux une poésie qui défie l’oubli et pose ses yeux sur tous ceux qui vivent et meurent dans l’indifférence du temps. Même pas comptés. Même pas racontés. Une poésie qui n’oublie pas la vieille valeur sacrée de l’écrit : faire que des vies soient sauvées du néant parce qu’on les aura racontées. Je veux une poésie qui se penche sur les hommes et ait le temps de les dire avant qu’ils ne disparaissent.
Le territoire de cette poésie, c’est le monde d’aujourd’hui, avec ses tremblements et ses hésitations. Elle s’écrit dans un corps à corps avec les jours. Elle sent la sueur et l’effroi. Elle est charnelle, incarnée. Le monde d’aujourd’hui est épique, tragique, traversé de forces violentes. Il se rappelle à nous avec brutalité. Des failles idéologiques réapparaissent. Des menaces grondent. Il faut dire et tenir ce que l’on est, ce que l’on veut être. L’écriture ne m’intéresse pas si elle n’est pas capable de mettre des mots sur cela. Qu’elle maudisse le monde ou le célèbre mais qu’elle se tienne tout contre lui. Nous avons besoin de mots du poète, parce que ce sont les seuls à être obscurs et clairs à la fois. Eux seuls, posés sur ce que nous vivons, donnent couleurs à nos vies et nous sauvent, un temps, de l’insignifiance et du bruit. »
Une poésie de sang et de lumière. Un extrait
Encore quelques mots..
.« Maudits soient les hommes qui prient Dieu avant de tuer.
Ils ne nous feront pas flancher.
Leur haine, nous la connaissons bien.
Elle nous suit depuis toujours,
Nous escorte depuis des siècles,
Avec ces mots qui sont pour eux des insultes,
Et pour nous une fierté :
Mécréants,
Infidèles,
Je les prends, ces noms.
Juifs, dépravés, pédérastes,
Je les chéris,
Cosmopolites, libres penseurs, sodomites,
Cela fait longtemps que je les aime, ces noms, parce qu'ils les détestent.
Nous serons toujours du coté de la fesse joyeuse
Et du rire profanateur,
Nous serons toujours des femmes libres et des esprits athées,
Communistes, francs-maçons,
Je les prends,
Tous.
Nous sommes fils et filles de Rabelais et de mai 68,
Paillards joyeux,
Insolents à l'ordre.
Diderot nous a appris à marcher,
Et avant lui, Villon.
Nous serons toujours du coté du baiser et de la dive bouteille.
Ils ont toujours craché sur ce que nous aimions
Et nos bibliothèques ne leur ont jamais rien inspiré d'autre qu'une vieille envie de tout brûler.
Ce que leurs dieux aiment plus que tout, c'est que les hommes aillent tête basse.
La menace pour seul bréviaire.
Ce que leurs dieux aiment plus que tout, c'est la triste soumission. »
huit poèmes, lus, relus , coup de coeur pour ces mots magnifiques, de révolte et de fraternité.
"Ces poèmes engagés à l’humanisme ardent, à la sincérité poignante, se sont nourris, pour la plupart, des voyages de Laurent Gaudé. Qu’ils donnent la parole aux opprimés réduits au silence ou ravivent le souvenir des peuples engloutis de l’histoire, qu’ils exaltent l’amour d’une mère ou la fraternité nécessaire, qu’ils évoquent les réfugiés en quête d’une impossible terre d’accueil ou les abominables convois de bois d’ébène des siècles passés, ils sont habités d’une ferveur païenne lumineuse, qui voudrait souffler le vent de l’espérance.( Actes Sud)
16:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : laurent gaudé, de sang et de lumière
Commentaires
Je rentre de chez ma petite maman à qui j'ai piqué deux/trois bouquins (oups !) deux/trois livres en me promettant de me remettre à la lecture.
Sans doute pas des œuvres philosophiques, tout au plus des histoires bien faites, mais pour finir la journée en douceur, c'est ce qu'il me faut je crois.
Bises Noëlle
Écrit par : Annart' | 25/11/2017
Le message sur la poésie est superbe! La poésie doit être partout et au coeur de nos vies, elle nous accompagne et nous transporte dans nos petits moments de faiblesse et de doute! Merci de ces moments d'espérance relayés!
Écrit par : alezandro | 25/11/2017
Beau message que voilà ! Merci Noëlle. Bonne soirée et bisous.
Écrit par : Cathy | 25/11/2017
Je n'ai pas pu répondre à ton MP sur FB, mais j'ai fait ce qu'il faut et je t'en remercie beaucoup !
Que ferions nous sans la Poésie ? sans la poésie des mots, des couleurs, et des notes ? L'Art est la chose la plus importante, c'est le sel de la vie.
Je t'embrasse Noëlle.
Écrit par : eva | 26/11/2017
Un très beau message, avec ces mots qui décrivent la beauté des choses quand elles sont dites avec béatitude, joie, enivrement. On ne peut vivre sans rêve, ni sans poésie. Je retiens cette longue phrase magique: " Je veux une poésie qui défie l’oubli et pose ses yeux sur tous ceux qui vivent et meurent dans l’indifférence du temps". Merci Noelle pour ces mots qui me ravivent le coeur et m'enchantent inéluctablement.Bisous
Écrit par : bizak | 27/11/2017
Poésie...tout est dit, dans ta Note comme dans les commentaires. Merci Noëlle, je t'embrasse.
Écrit par : Louis-Paul | 27/11/2017
Un très beau texte sur la poésie, c'est ce qui enjolive la vie.
Écrit par : Solange | 28/11/2017
toujours là !!!!!!!! en pointillé !!!!!!! Bisou un petit coucou en passant
Écrit par : mamita | 29/11/2017
La poésie est essentielle à la vie.
Écrit par : Bonheur du Jour | 01/12/2017
La poésie est essentielle à la vie.
Écrit par : Bonheur du Jour | 01/12/2017
vive la poésie ! coucou Nono !
Écrit par : Doume | 02/12/2017
Les commentaires sont fermés.