24/04/2013
Ce jour là....Nous la voyons, toute petite, sur un banc de pierre...
Willy Ronis, nous parle de Marie- Anne, très émouvant
On la voit en effet , " toute petite, sur le banc de pierre, au milieu des feuilles mortes...."
Ce jour-là, justement, j'étais dans son petit appartement qui donnait sur le parc de la maison de retraite.
La vue était très belle. Marie-Anne donnait des signes de fatigue et, en regardant par la fenêtre, je m'étais dit que j'aurais aimé la photographier dans ce parc, assisse sur le petit banc de pierre qu'on voyait de la chambre.
Cette réflexion, je me l'étais faite pendant l'été, et je me disais, non, ayons de la patience, ce sera beaucoup mieux en novembre. Je préférais prendre cette photo en automne, je voulais voir les feuilles mortes par terre, je savais que ma photographie serait plus symbolique. Elle dirait le retour à la terre, imminent. Alors, j'ai attendu.
Et j'ai eu raison. Marie-Anne a d'ailleurs vécu encore trois ans, et nous la voyons, toute petite, sur le banc de pierre, au milieu des feuilles mortes.
Cette photo, naturellement, m'est très chère, je ne peux pas en dire davantage. Marie-Anne, fait partie de la nature, du feuillage, comme un petit insecte, dans l'herbe. Nous avons vécu ensemble quarante-six ans.
"Marie-Anne et Vincent jouant aux boules de neige. c'était un jour heureux..."
13:38 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : ce jour là, willy ronis
07/04/2013
Ce jour là....joinville 1947
Histoire d'une photo
Chez Maxe, Joinville, 1947
Ce jour-là, j’étais debout sur une chaise. J’étais allé à Joinville pour un reportage sur les guinguettes que m’avait demandé Le Figaro qui éditait alors tous les trimestres un bel album sur papier couché, avec des textes d’artistes, d’écrivains, de poètes.
C’était en 1947, un dimanche après-midi. J’aimais en particulier l’ambiance de ces guinguettes, j’y venais régulièrement. Chez Maxe, c’était le nom de celle-ci, curieusement écrit avec un « e », et dès que je suis entré j’ai vu un groupe de danseurs vers le fond, que j’ai eu envie de photographier. Tout de suite. Mais il me fallait chercher un point de vue, je ne pouvais pas aller directement sur la piste car la photo aurait été prise de trop près, il me fallait trouver un endroit qui me ferait dominer l’ensemble de la danse. C’est ce mouvement général de la salle et de la danse qui m’attirait. Et que je voulais saisir. Alors, j’ai grimpé sur une chaise, juste derrière ce couple qui est là, devant, de dos.
Ce sera mon premier plan, j’ai pensé. Mais une fois sur la chaise, mon attention a été attirée vers un garçon qui faisait danser deux filles, très librement, très élégamment, sur la droite. C’est mon sujet, je me suis dit. Je le sens tout de suite quand je trouve mon sujet. Alors, j’ai fait signe au danseur pour qu’il se rapproche. Lui aussi m’avait remarqué, il m’a compris aussitôt et, tout en dansant avec les deux filles, il s’est avancé vers moi?: c’est alors que j’ai fait ma photo.
Il dansait comme un dieu. Et d’ailleurs, pour faire danser deux filles comme ça, il fallait qu’il ait vraiment du talent. Mais quand la musique s’est arrêtée et qu’il a repris sa place, je me suis aperçu qu’il avait un pied bot. J’étais stupéfait. C’était tout à fait invisible quand il dansait.
Le moment où je choisis de prendre une photo est très difficile à définir. C’est très complexe. Parfois, les choses me sont offertes, avec grâce. C’est ce que j’appelle le moment juste. Je sais bien que si j’attends, ce sera perdu, enfui. J’aime cette précision de l’instant. D’autres fois, j’aide le destin. Par exemple, ici, je sais que le premier couple ne s’est rendu compte de rien, mais pour avoir cette photo précise, je les ai vraiment appelés, mes danseurs.
L’histoire ne s’arrête pas là. Il y a trois ans, j’ai reçu une lettre de la danseuse qui est sur la droite. Elle me disait qu’elle voyait cette photo de temps en temps dans la presse et qu’elle tenait à me dire combien elle était touchée par tout ce qu’elle représentait. Sa jeunesse, l’ambiance de ces guinguettes, et bien sûr la jeune fille qui dansait sur la gauche qui était une copine d’enfance?: depuis la maternelle, précisait-elle. Mais le garçon, non, elles ne l’avaient plus jamais revu. Elles n’avaient dansé que cette fois-là avec lui.
Pour Rêver un peu....un siècle en noir et blanc , un livre
Ce jour-là
Epok, l'Hebdo de la Fnac.
00:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : ce jour là, willy ronis