véritables canaux d'information des militants et des journalistes, Internet et les téléphones portables jouent un rôle crucial dans la transmission au monde entier des informations sur ce qui se passe en Birmanie. Un rôle si important que la junte a pris des mesures -dénoncées par Reporters sans frontières- pour tenter d'empêcher les témoignages sur la répression de sortir. D'après un communiqué de RSF qui s'est déclarée mercredi "scandalisée", "la plupart des téléphones portables du pays ont été coupés et le réseau Internet est drastiquement réduit, rendant difficile, voire impossible, le recueil d'informations auprès de sources indépendantes".
Mercredi, après un mois de manifestations et plusieurs jours de défilés géants et pacifiques emmenés par les moines bouddhistes, la junte est entrée en action: les militants en exil ont fait état de cinq morts parmi les manifestants, la junte confirmant le décès d'une personne.
De l'autre côté du monde à Oslo, en Norvège, la radio-télévision Democratic Voice of Burma est à la pointe de la réception et de la diffusion des nouvelles sortant d'un des pays les plus fermés de la planète. D'après son rédacteur en chef Aye Chan Naing, la station, fondée en 1992 par des étudiants birmans en exil, est en mesure de transmettre pratiquement en temps réel images et informations sur les manifestations anti-gouvernementales. En 1988, il en avait été tout autrement, lorsqu'un soulèvement similaire avait été réprimé dans un bain de sang, faisant plus de 3.000 morts.
Cette fois-ci, le monde entier peut suivre l'évolution de la situation via des images de télévision ou photos sortant de Birmanie via Internet, selon Aye Chan Naing. Parfois ces images terribles arrivent via courrier électronique dans les boîtes mail des militants en exil, ou sur les téléphones portables de journalistes en dehors du pays. Des centaines d'images sont aussi mises en ligne sur le web.
Ceux qui se trouvent en Birmanie reçoivent pour leur part des informations sur les manifestations grâce aux informations diffusées par des radios à ondes courtes.
"Comparé à 1988, il y a beaucoup de nouvelles technologies pour obtenir les informations" hors de Birmanie, observe Vincent Brossel, directeur du bureau Asie de RSF. "Les gens prennent des photos, des vidéos pour montrer ce qui se passe", "la technologie est l'arme la plus utile que vous pouvez utiliser dans ce genre de lutte pacifiste".
Aunq Zaw, rédacteur en chef du magazine indépendant Irrawaddy en Thaïlande, rappelle qu'en 1988, il avait fallu "des jours, parfois des semaines, des mois même" pour que les images sortent. "Aujourd'hui, c'est si rapide".
"Le monde ne sait pas où se trouve la Birmanie. Maintenant, on voit des images sur la situation et on veut en savoir plus. C'est une énorme différence par rapport à 1988", dit-il.
A Democratic Voice of Burma, Naing se refuse à fournir des précisions sur la façon dont ses 30 à 40 journalistes clandestins travaillant en Birmanie transmettent les nouvelles. Car tout journaliste travaillant ouvertement risque l'arrestation.
Mais la junte est bien consciente de la force de ces moyens d'information. Les connexions ralenties sur Internet mercredi rendaient difficiles l'envoi de photos et de vidéos, d'après Vincent Brossel. Nombre de cybercafés étaient fermés dans un pays où rares sont ceux qui peuvent se connecter chez eux. Mais, ajoute-t-il, l'opposition organise la riposte au moyen de téléphones satellites.
Les communications à l'intérieur du pays sont également cruciales, selon Aung Din, de l'U.S Campaign for Burma à Washington. "Les étudiants se servent des téléphones cellulaires pour partager des informations par SMS", a-t-il expliqué, évoquant les messages que s'envoient les manifestants pour organiser le mouvement et s'informer sur la présence des militaires. "Ils savent aussi prendre des photos et tourner des vidéos avec leurs téléphones, puis les télécharger et les envoyer sur Internet".
Les portables, bien que souvent confisqués, se sont révélés inestimables: aujourd'hui, grâce à eux, et à Internet, note Mary Callahan, spécialiste de la Birmanie à l'université de Washington, les manifestants peuvent "mobiliser à l'intérieur comme à l'extérieur" du pays, et mieux s'organiser. AP