27/04/2012
Lettre de Philippe Torreton à Jean Ferrat
Jean,
J’aimerais te laisser tranquille, au repos dans cette terre choisie. J’aurais aimé que ta voix chaude ne serve maintenant qu’à faire éclore les jeunes pousses plus tôt au printemps, la preuve, j’étais à Antraigues il n’y a pas si longtemps et je n’ai pas souhaité faire le pèlerinage. Le repos c’est sacré !
Pardon te t’emmerder, mais l’heure est grave, Jean. Je ne sais pas si là où tu es tu ne reçois que le Figaro comme dans les hôtels qui ne connaissent pas le débat d’idées, je ne sais pas si tu vois tout, de là haut, ou si tu n’as que les titres d’une presse vendue aux argentiers proche du pouvoir pour te tenir au parfum, mais l’heure est grave !
Jean, écoute-moi, écoute-nous, écoute cette France que tu as si bien chantée, écoute-la craquer, écoute la gémir, cette France qui travaille dur et rentre crevée le soir, celle qui paye et répare sans cesse les erreurs des puissants par son sang et ses petites économies, celle qui meurt au travail, qui s’abîme les poumons, celle qui se blesse, qui subit les méthodes de management, celle qui s’immole devant ses collègues de bureau, celle qui se shoote aux psychotropes, celle à qui on demande sans cesse de faire des efforts alors que ses nerfs sont déjà élimés comme une maigre ficelle, celle qui se fait virer à coups de charters, celle que l’on traque comme d’autres en d’autres temps que tu as chantés, celle qu’on fait circuler à coups de circulaires, celle de ces étudiants affamés ou prostitués, celle de ceux-là qui savent déjà que le meilleur n’est pas pour eux, celle à qui on demande plusieurs fois par jour ses papiers, celle de ces vieux pauvres alors que leurs corps témoignent encore du labeur, celles de ces réfugiés dans leurs propre pays qui vivent dehors et à qui l’on demande par grand froid de ne pas sortir de chez eux, de cette France qui a mal aux dents, qui se réinvente le scorbut et la rougeole, cette France de bigleux trop pauvres pour changer de lunettes, cette France qui pleure quand le ticket de métro augmente, celle qui par manque de superflu arrête l’essentiel…
Jean, rechante quelque chose je t’en prie, toi, qui en voulais à D’Ormesson de déclarer, déjà dans le Figaro, qu’un air de liberté flottait sur Saïgon, entends-tu dans cette campagne mugir ce sinistre Guéant qui ose déclarer que toutes les civilisations ne se valent pas? Qui pourrait le chanter maintenant ? Pas le rock français qui s’est vendu à la Première dame de France. Ecris-nous quelque chose à la gloire de Serge Letchimy qui a osé dire devant le peuple français à quelle famille de pensée appartenait Guéant et tous ceux qui le soutiennent !
Jean, l’huma ne se vend plus aux bouches des métros, c’est Bolloré qui a remporté le marché avec ses gratuits. Maintenant, pour avoir l’info juste, on fait comme les poilus de 14/18 qui ne croyaient plus la propagande, il faut remonter aux sources soi-même, il nous faut fouiller dans les blogs… Tu l’aurais chanté même chez Drucker cette presse insipide, ces journalistes fantoches qui se font mandater par l’Elysée pour avoir l’honneur de poser des questions préparées au Président, tu leurs aurais trouvé des rimes sévères et grivoises avec vendu…
Jean, l’argent est sale, toujours, tu le sais, il est taché entre autre du sang de ces ingénieurs français. Lajustice avance péniblement grâce au courage de quelques-uns, et l’on ose donner des leçons de civilisation au monde…
Jean, l’Allemagne n’est plus qu’à un euro de l’heure du STO, et le chômeur est visé, insulté, soupçonné. La Hongrie retourne en arrière ses voiles noires gonflées par l’haleine fétide des renvois populistes de cette droite “décomplexée”.
Jean, les montagnes saignent, son or blanc dégouline en torrents de boue, l’homme meurt de sa fiente carbonée et irradiée, le poulet n’est plus aux hormones mais aux antibiotiques et nourri au maïs transgénique. Et les écologistes n’en finissent tellement pas de ne pas savoir faire de la politique. Le paysan est mort et ce n’est pas les numéros de cirque du Salon de l’Agriculture qui vont nous prouver le contraire.
Les cowboys aussi faisaient tourner les derniers indiens dans les cirques. Le paysan est un employé de maison chargé de refaire les jardins de l’industrie agroalimentaire. On lui dit de couper il coupe, on lui dit de tuer son cheptel il le tue, on lui dit de s’endetter il s’endette, on lui dit de pulvériser il pulvérise, on lui dit de voter à droite il vote à droite… Finies les jacqueries !
Jean, la Commune n’en finit pas de se faire massacrer chaque jour qui passe. Quand chanterons-nous “le Temps des Cerises” ? Elle voulait le peuple instruit, ici et maintenant on le veut soumis, corvéable, vilipendé quand il perd son emploi, bafoué quand il veut prendre sa retraite, carencé quand il tombe malade… Ici on massacre l’Ecole laïque, on lui préfère le curé, on cherche l’excellence comme on chercherait des pépites de hasards, on traque la délinquance dès la petite enfance mais on se moque du savoir et de la culture partagés…
Jean, je te quitte, pardon de t’avoir dérangé, mais mon pays se perd et comme toi j’aime cette France, je l’aime ruisselante de rage et de fatigue, j’aime sa voix rauque de trop de luttes, je l’aime intransigeante, exigeante, je l’aime quand elle prend la rue ou les armes, quand elle se rend compte de son exploitation, quand elle sent la vérité comme on sent la sueur, quand elle passe les Pyrénées pour soutenir son frère ibérique, quand elle donne d’elle même pour le plus pauvre qu’elle, quand elle s’appelle en 54 par temps d’hiver, ou en 40 à l’approche de l’été. Je l’aime quand elle devient universelle, quand elle bouge avant tout le monde sans savoir si les autres suivront, quand elle ne se compare qu’à elle-même et puise sa morale et ses valeurs dans le sacrifice de ses morts…
Jean, je voudrais tellement t’annoncer de bonnes nouvelles au mois de mai…
Je t’embrasse.
Philippe Torreton
Blog de Philipe Torreton – 25 avril 2012
"Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille
Ma France "
13:25 Publié dans SOLIDARITE | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lettre de philippe torreton à jean ferrat
25/04/2012
Petite envie...
De repartir la-haut...
A L'étang de la Frêche, départ , l'hospice de France, ( Pyrénées)
Photos , automne 2011
14:41 Publié dans randonnees | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : randos, les pyrénées, l'étang de la frêche
24/04/2012
J'aime bien....
14:19 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : un espoir...marianne avril 2012
Calais reste une prison à ciel ouvert pour les migrants
« La seule réponse qu'on a trouvée, en dix ans, c'est la répression policière »
Dix ans après « l'erreur de 2002 », rien n'a été réglé sur le fond. « Le problème persiste, les migrants sont toujours traqués, chassés. Cette situation les a précarisés et les met encore plus à la merci des passeurs », déplorent en chœur, les associations. Calais, ce n'est plus la jungle mais des squats, disséminés dans la ville et ses alentours, régulièrement mis à sac par les autorités. Les migrants ne sont plus 2.000 à tenter leur chance outre-Manche mais 200.
Au total, ils sont environ 500 dispersés le long du littoral, de Dunkerque à Wissant, mais aussi dans les terres, près des aires de repos de l'autoroute A 26, à Angres, Norent-Fontes, formant un triangle jusqu'à Saint-Omer, avec des bases retranchées à l'intérieur de la Belgique. Des jeunes hommes principalement, qui ont derrière eux des milliers de kilomètres, débarqués du Moyen-Orient, d'Afrique de l'est ou d'Asie.
Ces dernières semaines, après une période d'accalmie, le stress les a gagnés. A trois mois des JO de Londres, « des Olympiques », disent-ils, « il faut passer vite ».Avant que les frontières ne soient verrouillées et sur-sécurisées. Comme les aires de l'A 26 entre Calais et Dunkerque, tout simplement fermées pour qu'ils ne montent pas dans les camions.
« En ce moment, il y a un turn-over énorme. Un tiers des migrants disparaît dans la semaine. Les vannes sont, c'est certain, plus ouvertes qu'en juillet prochain. Si t'as de l'argent, tu passes. Ils ne montent plus dans les parkings de Calais mais à 80-100 bornes », constate Jean-Claude Lenoir, le président de l'association Salam, créée au lendemain de la fermeture de Sangatte pour venir en aide à ces migrants jetés à la rue à l'aube de l'hive
On le retrouve un soir, à 18 heures, près du phare de Calais, au centre de distribution de repas, vaste terrain de bitume grillagé, dans la zone portuaire, avec point d'eau, préau et local. C'est un des acquis obtenus par les associations qui ont servi pendant des années des plats chauds « sur les quais pourris d'un entrepôt ouvert aux intempéries », se souvient Nadine, bénévole depuis 1998 à la Belle Etoile.
Chaque jour, c'est le même rituel, midi, soir et quelques matins pour le petit-déjeuner. Une queue se forme, disciplinée, cuillère à la main, jusqu'aux marmites. A tour de rôle, Salam, la Belle Etoile et l'Auberge des Migrants se relaient. Après avoir passé la matinée, l'après-midi à cuisiner les palettes de légumes et les kilos de viandes fournis par Emmaus, elles offrent chaleur, réconfort et sourire à ces ombres que les Calaisiens, avec les années, ne remarquent même plus. Assis contre les grillages ou debout, accoudés aux couvercles des poubelles, ils avalent leurs gamelles. Les premiers servis jouent déjà au foot, discutent « papiers » avec les bénévoles des différentes associations, Médecins du monde, le Secours catholique, etc. D'autres passent en vitesse, repartent vers leurs couvertures, sous les ponts, la pluie, le froid.
Il y a des nouveaux, des anciens, des Somaliens, des Soudanais, des Tchadiens, des Albanais, des Iraniens, des Afghans, des Kurdes, des Vietnamiens, des Russes... Jean-Claude Lenoir, jeune retraité de l'éducation nationale, balaie la scène, le regard ému : « Ici, nous sommes une micro-société solidaire où toutes les classes sociales, bénévoles et migrants, même ceux venant de pays en guerre les uns contre les autres, s'entendent. C'est le plus bel exemple que les politiques se trompent. »
Militant de la première heure, il a éprouvé chacune de ces dix dernières années. Certes, il y a eu des avancées : cette aire de distribution des repas, la PASS, permanence d’accès aux soins de santé, l'hébergement de jour, les douches, etc. A Calais nord où il vit, un des rares quartiers cossus de la ville, les voisins n'ouvrent plus les volets en hurlant : « c'est pas bien ce que vous faites » mais déposent devant sa porte des couvertures, des vêtements. « L'effet Welcome », le film de Philippe Lioret qui avait fait salle comble lors de sa projection à Calais.
« Les migrants, poursuit-il, sont davantage reconnus ; la police, la justice, moins hors la loi. Les CRS ne roulent plus porte ouverte avec la matraque à la main dans les rues. Il y a dix ans, au vu et au su de tout le monde, ils les coursaient avec une violence inouie digne des pays fascistes. Ils les serraient sous la pluie à genoux. Il y a un semblant d'évolution démocratique grâce aux associations et aux médias. »Mais « les migrants de Calais » demeurent « le grand échec de la politique gouvernementale » pour Jean-Claude Lenoir. « La seule réponse qu'on a trouvée, en dix ans, c'est le contrôle, la répression policière, les propositions de retour et le non-respect de l'être humain. Ils ont voulu masquer les problèmes économiques par la peur de l'autre. Ils les ont érigés en épouvantail », condamne-t-il.
13:39 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : les migrants à calais
Ces femmes des 4 coins du monde
Bande Annonce Women Are Heroes par womenareheroes
Grand photographe, lauréat 2011 du Prestigieux Prix de la fondation TED, le Français JR vient de réaliser son premier long métrage, "Women are heroes", un documentaire enthousiasmant sur la condition des femmes dans le monde.
Pour sa nouvelle exposition, “Women are heroes”, JR a voyagé durant trois ans dans les
favelas du Brésil, au Libéria, en Sierra Leone et au Cambodge. Il a
ainsi recueilli les témoignages de plusieurs femmes sur leurs
conditions de vie et a souhaité capturer ces instants
JR est un photographe clandestin mais pourrait surtout se définir comme un activiste, utilisant la rue comme une galerie d'art. Depuis 2001, JR parcours le monde, de Paris à Los Angeles, en passant par Jérusalem, en laissant sa marque de farique: des clichés collés sur les murs sous la forme d'affiches grand format.
J'aime beaucoup JR , mais ce film, je ne l'ai pas encore vu
Merci à Xavier il nous dit
"Si vous ne l'avez pas vu courrez et laisser vous emporter..."
Source Allociné, sortiraparis, extraits
00:02 Publié dans cinema | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : "women are heroes" jr
23/04/2012
A canéjan...
Premier tour, les résultats
Nombre de voix % Exprimés
François Hollande 1.371 39.81
Nicolas Sarkozy 631 18.32
Jean-Luc Mélanchon 427 12.40
Marine Le Pen 395 11.47
François Bayrou 377 10.95
Eva Joly 101 2.93
Philippe Poutou 58 1.68
Nicolas Dupont- Aignan 57 1.66
Nathalie Arhaud 16 0.46
Jacques cheminade 11 0.32
12:08 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : canéjan, résultats du premier tour
"Grâce à vous ce soir, le changement est désormais en marche" (Tulle, le 22 avril)
22 avril : la déclaration de F. Hollande par francoishollande
hier soir, un soir heureux....mais la bataille va être dure....
Dès l'annonce des résultats d'un premier tour historique pour la Gauche, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon ont appellé à voter pour François Hollande, le candidat du changement, arrivé en tête avec plus de 28,5% des voix.
Il faut poursuivre ce mouvement.....rendez - vous le 6 mai !
09:56 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : le changement est désormais en marche"
22/04/2012
Un peu de poésie....
Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler...
René Char
06:00 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : rené char poésie
08/02/2012
Monsieur Guéant
en Martinique vous ne serez pas le bienvenu
Mediapart reproduit ici la lettre ouverte adressée au ministre de l'Intérieur par Serge Letchimy, député et président du Conseil régional de la Martinique, où Claude Guéant doit se rendre prochainement.
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M. le Ministre,
Votre venue en Martinique dans les jours qui viennent, m’oblige à vous rappeler que cette terre a vu naître Aimé Césaire, Frantz Fanon, Edouard Glissant. Qu’elle a été aimée par des hommes aussi admirables que furent Victor Schœlcher, André Breton, Léopold Sedar Senghor, Claude Lévi-Strauss, et de manière plus proche encore, par Léopold Bissol, Georges Gratiant, ou Camille Darsières, pour ne citer que quelques-uns de nos grands politiques.
Ces hommes furent de grands humanistes. Leur vie et leurs combats se sont situés en face de ces crimes que furent la traite, l’esclavage, les génocides amérindiens, les immigrations inhumaines, ou la colonisation dans tous ses avatars… Tous ont combattu la pire des France : celle qui justifiait les conquêtes et les exploitations, et bien d’autres exactions dont les cicatrices sont inscrites dans nos paysages. Cependant, je n’ai jamais entendu un seul de ces hommes lister ces attentats pour décréter que la civilisation européenne, ou que la culture française, serait inférieure à n’importe quelle autre. Je ne les ai jamais entendus prétendre que le goupillon de la chrétienté (qui a sanctifié tant de dénis d’humanité) serait plus primitif que tel bout liturgique d’une religion quelconque.
Toujours, ces hommes ont établi la distinction entre cette France de l’ombre et la France des lumières. Pour combattre l’ombre qui menaçait leur humanité même, ils se sont référés à la France de Montaigne, de Montesquieu, de Pascal, de Voltaire, de Condorcet ; à celle qui s’est battue pour abolir la traite, puis l’esclavage, qui a supprimé la peine de mort du code de ses sentences ou qui a accordé aux femmes le droit de vote et celui de disposer de leur maternités… A s’en tenir à votre logique, ils auraient eu mille raisons de condamner la civilisation occidentale, et de renvoyer aux étages inférieurs bien des cultures européennes.
Voyez-vous M Guéant, vos chasses à l’immigré (qu’il soit en règle ou non), ou la hiérarchisation que vous célébrez sans regrets ni remords entre les cultures et les civilisations, vous ont enlevé la légitimité dont a pourtant besoin votre prestigieuse fonction. Vous portez atteinte à l’honneur de ce gouvernement, et à l’image d’une France qui visiblement n’est pas la vôtre, mais que nous, ici, en Martinique, avons appris à respecter.
Toutes les civilisations ont produit, et de manière équivalente, des ombres et des lumières. Mais si les ombres n’ont jamais triomphé très longtemps, si beaucoup d’entre elles ont disparu dans les oubliettes de l‘histoire (en compagnie de régimes politiques ou religieux quelque peu lamentables), c’est simplement parce que des hommes de bon sens, pétris d’humanisme et de haute dignité, ont exalté les parts lumineuses que toutes les civilisations de l’homo-sapiens ont mises à notre disposition.
Les civilisations se sont nourries de leurs lumières mutuelles pour mieux combattre leurs propres ombres. Dans une transversale célébration et de grande foi en l’Homme, ces hommes ont honoré les lumières d’où quelles viennent ; les lumières se sont reconnues entre elles; leurs signaux réciproques ont conservé intact (de part et d’autre des lignes de partage ou de conflit) un grand espoir d’humanité pour tous. Grâce à eux, nous savons qu’il est dommageable de considérer l’ombre, ou de s’en servir à des fins qui ne grandissent personne. Ils nous ont donc appris à nous écarter de ceux qui l’utilisent, et qui, par là même, la transportent avec eux.
M. Guéant, fouler le sol martiniquais, c’est toucher une terre que des hommes comme Aimé Césaire ont fécondé de leur sang. Un sang qui s’est toujours montré soucieux de l’humanisation de l’homme, du respect des civilisations et de leurs différences.
Ce serait donc comme une injure à leur mémoire, à leur pensée, à leurs actions, que de vous laisser une seule minute imaginer que vous serez le bienvenu ici.
C’est par-dessus vous, et du plus haut possible, que nous renouvelons à la France des lumières toute notre considération, et confirmons notre respect pour les valeurs républicaines qui, contrairement à celles dont vous êtes le héraut, sont à jamais très opportunes chez nous.
13:19 | Lien permanent | Commentaires (1)
07/02/2012
Une lettre
Je vous écris du fin fond de la brousse, depuis un minuscule petit point sur l’horizon, quelque part sur la ligne de l’Equateur, entre l’Atlantique et l’Océan Indien. Mon nom ne vous dirait rien, car je ne suis qu’un insecte pour quelqu’un de votre dimension, aussi permettez-moi de rester anonyme.
Je fais partie d’une tribu d’hommes de petite taille. Le plus grand d’entre nous ne dépasse pas 1,50m. Nous ne sommes pas des nains, ni difformes, ni repoussants, seulement adaptés à notre milieu naturel. Nous vivons de rien, comme vos pauvres qui habitent dans des grands arbres de béton. Nous subsistons de chasse et de cueillette. Sans doute le savez-vous, notre civilisationest menacée d’extinction. La logique naturelle voudrait nous voir disparaître. Nous allons mourir bientôt.
Ô, Grand Toubab !
La nuit dernière, à la suite d’un violent orage, les dieux de la forêt, par l’intermédiaire d’un toucan au plumage de lune, se sont adressés à moi et m’ont intimé l’ordre de vous écrire. Ils m’ont dit : "Toi petit homme, venu de nulle part, tu dois t’ouvrir au monde, à la grande civilisation qui règne sur la planète au-delà des mers. Là-bas, un toubab aux yeux de lynx, porteur de toutes les vérités suprêmes te donnera la clé… Le sésame de la Grande Porte, celle des Lumières…"
Je n’ai pas tout compris du message venu des cieux. Ils me parlaient du CAC 40, de la grande prairie des Hauts-de-Seine, des cadrans solaires pas plus grands que des feuilles de manguier qu’on appelle les Rolex, du pays aux mille tranquillisants. Chez vous, Grand Toubab, on ne traîne jamais dans un hamac. On ne cherche pas les poux de ses enfants, mais ceux de ses voisins ou de ses collègues de travail.
Là-bas, dans votre domaine magique, les hommes ne se parlent jamais en face. Ils ne se postillonnent jamais dessus. Ils parlent à des machines. Ils ont aussi des fenêtres bleues au milieu des maisons où ils possèdent le monde. La cueillette des informations et des bruits de la Grande Ville les occupe jour et nuit. Ils portent d’étranges appendices aux oreilles qui leur permettent de parler à leur famille de l’autre côté de la terre. Ils sont tellement puissants et sûrs de leur force qu’ils défient même le soleil. Ils sont des demi-dieux.
Vous qui avez atteint le stade suprême du développement...
Grand Toubab, comment votre humble correspondant immergé dans la jungle touffue, peut-il espérer faire partie de cette merveilleuse civilisation ? Comment adhérer à votre glorieuse tribu ? Je vous le demande humblement, moi qui n’ai que la capacité d’écouter le bruit des torrents au petit jour. Les seules ondes qui me parviennent ne sont ni hertziennes ni électromagnétiques, mais seulement celles du souffle du vent. Dois-je prendre une pirogue pour rejoindre le Grand Flux de la Civilisation Triomphante ou bien infiltrer un réseau de clandestins ? Vous qui avez atteint le stade suprême du développement, quels conseils pouvez-vous me prodiguer ? De rester chez moi ? De ne pas descendre de mon baobab ?
Grand Toubab, mon cœur est triste. Votre réponse est comme une flèche de cyanure. Monsieur Guéant, vous êtes un Géant, si l’on retire le "u"… J’aurais tant voulu apprendre de vous. Et que vais-je dire aux dieux de la forêt qui m’ont envoyé en éclaireur auprès de vous ? Qu’il faut faire des économies d’énergie, que les nains resteront toujours des nains et que les Rolex sont en rupture de stock ?
Par Serge Raffy Nouvel Obs
10:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : : raffy, guéant, civilisation, pygmée, le coup de sang de serge raffy, présidentielle 2012