05/12/2015
La plaine, les vallons plus loin..... Les chemins, les villages,....
La plaine, les vallons plus loin,
Les bois, les fleurs des champs,
Les chemins, les villages,
Les blés, les betteraves,
Le chant du merle et du coucou,
L'air chaud, les herbes, les tracteurs,
Les ramiers sur un bois,
Les perdrix, la luzerne,
L'allée des arbres sur la route,
La charrette immobile,
L'horizon, tout cela
Comme au creux de la main.
Photos Cornel Pufan
Poèmes de Guillevic
Guillevic, "un monde d'oiseaux, de pierres et d'hommes"
Ce n’était pas
Une aile d’oiseau.
C’était une feuille
Qui battait au vent.
Seulement
Il n’y avait pas de vent.
(Exécutoire, 1947)
14:23 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poème guillevic
25/11/2015
Regardez-les, ces hommes et ces femmes.....
Regardez-les, ces hommes et ces femmes qui marchent dans la nuit.
Ils avancent en colonne, sur une route qui leur esquinte la vie.
Ils ont le dos voûté par la peur d’être pris
Et dans leur tête,
Toujours,
Le brouhaha des pays incendiés.
Ils n’ont pas mis encore assez de distance entre eux et la terreur.
Ils entendent encore les coups frappés à leur porte,
Se souviennent des sursauts dans la nuit
.
Regardez-les.
Colonne fragile d’hommes et de femmes
Qui avance aux aguets,
Ils savent que tout est danger.
Les minutes passent mais les routes sont longues.
Les heures sont des jours et les jours des semaines.
Les rapaces les épient, nombreux.
Et leur tombent dessus,
Aux carrefours.
Ils les dépouillent de leurs nippes,
Leur soutirent leurs derniers billets.
Ils leur disent : « Encore »,
Et ils donnent encore.
Ils leur disent : « Plus ! »,
Et ils lèvent les yeux ne sachant plus que donner.
Misère et guenilles,
Enfants accrochés au bras qui refusent de parler,
Vieux parents ralentissant l’allure,
Qui laissent traîner derrière eux les mots d’une langue qu’ils seront contraints d’oublier.
Ils avancent,
Malgré tout,
Persévèrent
Parce qu’ils sont têtus.
Et un jour enfin,
Dans une gare,
Sur une grève,
Au bord d’une de nos routes,
Ils apparaissent.
Honte à ceux qui ne voient que guenilles.
Regardez bien.
Ils portent la lumière
De ceux qui luttent pour leur vie.
Et les dieux (s’il en existe encore)
Les habitent.
Alors dans la nuit,
D’un coup, il apparaît que nous avons de la chance si c’est vers nous qu’ils avancent.
La colonne s’approche,
Et ce qu’elle désigne en silence,
C’est l’endroit où la vie vaut d’être vécue.
Il y a des mots que nous apprendrons de leur bouche,
Des joies que nous trouverons dans leurs yeux.
Regardez-les,
Ils ne nous prennent rien.
Lorsqu’ils ouvrent les mains,
Ce n’est pas pour supplier,
C’est pour nous offrir
Le rêve d’Europe
Que nous avons oublié.
Laurent Gaudé, écrivain
Une photo, Mikael Kalatosow et "l'oeil de Reza"
Reza et Laurent Gaudé au Au camp de réfugiés de Kawergosk
10:03 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : un poème, laurent gaudé
20/11/2015
‘Mes chaussures étaient gelées...."
Histoire d'une photo
C’était en décembre 2013. Au camp de réfugiés de Kawergosk, à trente kilomètres d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, l’hiver était rude, l’air humide et le sol boueux. Au moins dix mille habitants peuplaient cet océan de tentes bleues et blanches, sorti de terre quatre mois plus tôt. Mi-août 2013, ces Kurdes syriens avaient fui les barbaries du régime de Bachar al-Assad, de l’Etat islamique ou d’al-Qaïda.
Pour raconter ce refuge de l’urgence, ARTE Reportage envoya quatre artistes français et allemand en mission : le cinéaste Pierre Schoeller, le photographe Reza, le dessinateur Reinhard Kleist et l’écrivain Laurent Gaudé. Plus que les œuvres réalisées par ces derniers, une image avait, à l’époque, marqué les esprits : un cliché pris par une jeune réfugiée, âgée de 11 ans à l’époque. Maya Rostam, c’est son doux nom, participait, avec d’autres enfants, à l’atelier photographique initié par Reza lors de son passage à Kawergosk.
“Au second jour de l’atelier, Maya n’est pas là”, raconte Reza. “Je m’inquiète, me renseigne. Personne ne connaît sa tente. Je reste confiant. Le cours a commencé. Maya apparaît, s’avance timidement, gênée, terriblement gênée. Je l’interroge sur son retard. Elle ne dit mot et baisse la tête. Je suis accaparé par d’autres élèves, mais je répète la question : ‘Pourquoi es-tu en retard ?’ Sans un mot, elle tend son appareil vers moi et me montre cette photographie. Elle ajoute d’une voix presque inaudible : ‘Mes chaussures étaient gelées. J’ai dû attendre pour les mettre.’ Je n’ai jamais été autant bouleversé devant la force symbolique d’une image.”
Un extrait "l'atelier photo des enfants de Kawergosk" ARTE
20:31 Publié dans COUP DE COEUR | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : reza, histoire d'une photo
16/11/2015
Ne te sauve pas....
Ne reste pas immobile
sur le bord de la route
ne gèle pas la joie
n’aime pas à contrecœur
ne te sauve pas ni maintenant
ni jamais
ne te sauve pas
ne te remplis pas de calme
ne garde pas du monde
qu’un simple coin tranquille
ne laisse pas retomber tes paupières,
lourdes comme des jugements
ne reste pas sans lèvres
ne dors pas sans sommeil
ne pense pas sans sang
ne juge pas sans temps.....
Extrait de Poemas de otros (1973-1974). Mario Benedetti Traduit par Olivier Favier.
Photos Dorothea Lange , Cornel Pufan, Sebastião Ribeiro Salgado
14:40 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : poeme mario benedetti
05/11/2015
Les gens de Garonne
"Des hommes et des femmes profondément attachants, tous "gens de Garonne", vont se déchirer et s'aimer au bord du grand estuaire dont Noël Manière connaît si bien le décor, les paysages, l'histoire, l'âme et le caractère de ceux qui y vivent. De cet amour pour un terroir et un peuple si riches, est né le plus sensible des romanciers.
Sécherie de morue à Bègles vers 1900 : les étendoirs dits aussi ""pendilles"" (Sécherie du Grand-Port)
Fils aîné d’un modeste couple qui a dû fuir son village pour vivre son amour, Antoine a les yeux résolument tournés vers l’océan. Dès l’âge de treize ans, et afin d’aider ses parents démunis, il embarque comme mousse sur l’Arbonnaise. Hélas ! le rêve d’enfance se transforme vite en cauchemar. La vie de terre-neuvas se révèle un véritable enfer et les membres d’équipage font d’Antoine leur souffre-douleur.
Revenu de l'enfer de la pêche à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve, Antoine Graveille retrouve sa famille brisée par le suicide de son père et, une fois de plus, l'extrême pauvreté.
"Les années ont passé depuis l'arrivée de la famille Graveille sur les bords de la Garonne. Revenu à Bègles après avoir été mousse sur les terres-neuvas (Les Forçats de la mer), Antoine a vengé son père, dont l'invention a été volée (Le Combat des humbles). Dans ce troisième volume, les passions et les luttes sociales se combinent pour créer cette atmosphère si particulière aux " Gens de Garonne ".
De l'estuaire de la Gironde aux grands espaces de la forêt landaise, du Bordeaux populaire aux rivages de l'Afrique, le voyage auquel nous convie l'auteur, passionnant de bout en bout, restitue. jusqu'aux odeurs de vendange, cette France besogneuse de la fin du XIXe siècle."( 4ème de couverture, extraits)
J'ai retrouvé mes rues, mes places..mes quartiers....souvenue toutes les histoires racontées lorsque j'étais enfant...Bègles, c'est chez moi , je suis née à Bègles
Drôle de lecture , à chaque page mes souvenirs se mêlent au récit. Un nom de rue et je me revois avec ma grand- mère Catherine sur le chemin de l'école...un détail dont je ne me souviens pas, j'appelle mon frère...des vendanges, balade dans les vignes toujours avec ma grand -mère....
Bègles
"L'église de Bègles comporte une particularité, drapeau français et inscription Liberté - Egalité - Fraternité.
Mais pourquoi ?
Le 30 Janvier 1790, Marc Daguzan, curé de la paroisse, est élu par acclamation premier maire de Bègles. Durant plusieurs années, l’église Saint-Pierre fait office de mairie. Sa façade porte toujours l’inscription républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité» datant de cette époque et inhabituelle en un tel lieu."
La fête de la Morue existe toujours à Bègles
Un peu d'histoire "
À la fin du XVe siècle, les Européens découvrent l’île de Terre-Neuve au Canada et ses grands bancs de cabillaud. Le monde entier va venir pêcher dans ses eaux glaciales. À Bordeaux, le négoce de poisson s’implante ; la ville devient au XIXe siècle le premier port de débarquement de la morue « verte » (cabillaud salé à bord). Les navires s’ancrent au port de la Lune et les gabarres remontent le fleuve pour débarquer la morue salée à Bègles. Pourquoi ici ? Ce n’est qu’un petit port fluvial mais qui dispose de nombreux palus* libres et bon marché, d’un climat doux et humide, idéal pour sécher le poisson en plein air sur les pendilles**, d’une eau douce en abondance pour le lavage et d’une main d’œuvre féminine nombreuse et courageuse. Tout un petit peuple venant des campagnes s’installe donc ici et fait la prospérité des sécheurs et négociants jusqu’au XXe siècle. Les belles maisons bourgeoises, appelées « maisons de morues », aujourd’hui restaurées, en témoignent.
le métier était très dur, les campagnes de pêche duraient parfois six mois. Les hommes trimaient sur les bateaux et n’étaient jamais sûrs de revenir. De même, le travail de sécheuse était éprouvant : dehors ou dans les hangars en bois, les mains dans l’eau froide, les pieds dans la boue pour étendre les lourds filets. Et comment se débarrasser de l’odeur entêtante ? Le bus qui les ramenait chez elles, était appelé « le bus de la morue ». On imagine bien les autres passagers les fuyant. extraits "A Bègles, la morue est une star" 15 avril 2010 par Casadei
Photos trouvées sur le net et Catherine ma grand- mère
20:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : les gens de garonne
31/10/2015
La terre qui penche
Le nouveau conte de Carole Martinez
" Mon héroïne, blanche est une rebelle "
Troisième roman dédié aux femmes de jadis....
C'est encore une figure féminine insoumise que l'on retrouve 200 ans plus tard, au 14e siècle, toujours au Moyen-Âge et au domaine des Murmures, dans La terre qui penche. Blanche a 11 ans et elle est affamée du savoir qu'on lui interdit. "C'est une rebelle.
Elle a décidé qu'il était très important pour elle d'apprendre à lire et à signer son nom. Comme son père s'y oppose et considère qu'une femme instruite, c'est le diable dans la maison, Blanche vole les lettres nécessaires pour écrire son prénom", explique Carole Martinez.
"A tes côtés je m'émerveille.
Blottie dans ton ombre, tu partages ma couche.
Tu dors, ô mon enfance,
Et pour l'éternité, dans la tombe, je veille. »
Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent.
L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend.
Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais?
Par la force d’une écriture cruelle, sensuelle et poétique à la fois, Carole Martinez laisse Blanche tisser les orties de son enfance et recoudre son destin. Nous retrouvons son univers si singulier, où la magie et le songe côtoient la violence et la truculence charnelles, toujours à l’orée du rêve mais deux siècles plus tard, dans ce domaine des Murmures qui était le cadre de son précédent roman. (4e de couverture)
Tendre et cruel, un monde magique ! magnifique !
J'avais adoré " le coeur cousu" et " Du domaine des Murmures"
La terre qui penche, même enchantement !
"L'héroïne du Cœur cousu possède le don de recoudre tout ce qui se déchire, les tissus, les corps, les cœurs, celle du Domaine des murmures réalise des miracles du fond de sa réclusion. La terre qui penche est peuplé d'ogres, de fées, de sortilèges et la petite Blanche dialogue avec son âme, en errance 6 siècles plus tard."( Carole Martinez)
La vallée de la Loue, Gustave Courbet
Du Domaine des murmures et la terre qui penche, la Loue est aussi son héroïne.
"Mon roman se construit autour du lit de la Loue et du pouvoir poétique qu 'à une petite fille de métamorphoser les souvenirs mauvais.
Blanche transforme le monde qui l'entoure et ses douleurs, elle change un homme en cheval, puis ce cheval en terre, pour continuer de marcher sur son chemin...."
21:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : la terre qui penche, carole martinez
27/10/2015
Un jour de pluie et de brouillard....
Averse averse averse averse averse averse
Pluie ô pluie ô pluie !ô pluie ô pluie ô pluie
Gouttes d'eau gouttes d'eau gouttes d'eau gouttes d'eau
parapluie ô parapluie ô paraverse ô
paragouttes d'eau paragouttes d'eau de pluie
capuchons pèlerines et imperméables
que la pluie est humide et que l'eau mouille et mouille !
mouille l'eau mouille l'eau mouille l'eau mouille l'eau
et que c'est agréable agréable agréable
d'avoir les pieds mouillés et les cheveux humides
tout humides d'averse et de pluie et de gouttes
d'eau de pluie et d'averse
et sans un paragoutte
pour protéger les pieds et les cheveux mouillés
qui ne vont plus friser qui ne vont plus friser
à cause de l'averse à cause de la pluie
à cause de l'averse et des gouttes de pluie
des gouttes d'eau de pluie et des gouttes d'averse
Cheveux désarçonnés cheveux sans parapluie
poème, Raymond Queneau, les photos , des sentiers des Pyrénées, un jour de pluie....
13:11 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : poème, raymond queneau
22/10/2015
Les anges de Paul Klee
Les choses que j'aurais tant voulu écrire
Sont celles que je n'ai jamais su mettre en mots
Chatouillé par le grelot de l'ange
Un bébé rit
câlinée par le souffle du vent
Une fleur fait "oui"de la tête
Jusqu’où aurait-il donc fallu poursuivre la route ?
Les jours d’après la mort à ceux d’avant la vie
en un cercle bien rond s’enchaînent
À présent j’ai droit au silence
Malgré la foule des paroles
Malgré les milliers de chansons
la tristesse ne s’est jamais dissipée et pourtant
La joie non plus ne s’est jamais envolée.
(Tanikawa Shuntarô, L’album des dessins de Klee,)
Autoportrait 1909
Les anges de Paul Klee, son petit royaume
"Les hommes vivent en des lieux dont les anges n'ont pas idées"
.
19:53 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : les anges de paul klee
20/10/2015
Je fais retraite chez ls oiseaux...
" Je fais retraite chez les oiseaux. Cela vaut bien les
monastères et leur mise en scène sacrée !
À midi, le soleil abat ses lanières d'or sur mes épaules. Ai-je
besoin d'une autre discipline pour expier tous les
péchés commis envers les quatre éléments ? Je cherche le rythme oublié.
J'apprends l'effort, le puits, la colline et le thym.
Le vent et les bêtes sauvages coulent devant ma porte. Le feu de bois exige un très long souffle humain.
Sorti du chant du coq et du petit froid vert de l'aube,
je progresse au travers de la chaleur, je marche
jusqu'au soir de la journée, encouragé par la présence
de l'arbre, par la rondeur des fruits, par la confiance
baveuse des troupeaux.
Je m'allonge sur la terre tiédie pour jouir du bleu
imaginaire, du bleu presque trop pur de la lumière...."
La huche à pain (Proses - Extraits) Luc Bérimont
La photo Magnum photos
USA. Tulare, California. 2014. Birds
14:53 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : luc bérimont
19/10/2015
Je suis seul sur l'ocean...
« Je suis seul sur l’océan
Et je monte à une échelle
Toute droite sur les flots
Me passant parfois les mains
Sur l’inquiète figure
Pour m’assurer que c’est moi
Qui monte, que c’est toujours moi. […].
Je tombe ah ! je suis tombé
Je deviens de l’eau qui bouge
Puis de l’eau qui a bougé,
Ne cherchez plus le poète,
Ni même le naufragé. »
Jules Supervielle
Photo, septembre 2014
13:41 Publié dans poesie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jules supervielle