06/04/2014
Ballade en Proverbes du Vieux Temps
Il faut de tout pour faire un monde
Il faut des vieillards tremblotants
Il faut des milliards de secondes
Il faut chaque chose en son temps
En mars il y a le printemps
II est un mois où l'on moissonne
Il est un jour ou bout de l'an
L'hiver arrive après l'automne
La pierre qui roule est sans mousse
Béliers tondus gèlent au vent
Entre les pavés l'herbe pousse
Que voilà de désagréments
Chaque arbre vêt son linceul blanc
Le soleil se traîne tout jone
C'est la neige après le beau temps
L'hiver arrive après l'automne
Quand on est vieux on n'est plus jeune
On finit par perdre ses dents
Après avoir mangé on jeûne
Personne n'est jamais content
On regrette ses jouets d'enfant
On râle après le téléphone
On pleure comme un caïman
L'hiver arrive après l'automne
Envoi
Prince! tout ça c'est le chiendent
C'est encor pis si tu raisonnes
La mort t'a toujours au tournant
L'hiver arrive après l'automne
"Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu'on les aime
pour écrire un poème..."
19:33 | Lien permanent | Commentaires (1)
05/04/2014
Le jardin de Prévert
Des milliers et des milliers d’années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassé
Où je t’ai embrassée
Un matin dans la lumière de l’hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
19:40 | Lien permanent | Commentaires (5)
30/03/2014
Le petit père Mozart
Une image chez notre amie Eva, " La belle Carole Laure danse" danse avant de tomber....alors souvenir d'un film que j"avais adoré, " Préparer les mouchoirs"
C'était en 1977 ,Carole Laure rejoint l'univers de Blier , avec le duo Dewaere , Depardieu, deux doux paumés.....magnifique complicité !
Et Wolgang Amadeus Mozart....
Film culte, il obtient l'oscar du meilleur film étranger en 1979
"Un homme qui croise un inconnu à qui il offre sa femme. Ce dernier possédant l'intégral des livres des poches et n'avouant écouter que des musiques signées Mozart. Un voisin râleur, mais qui aide le trio à kidnapper le jeune surdoué dont s'est éprise la jeune femme et qui tombe amoureux de la mère de celui-ci." ( Allociné)
Une révélation , le jeune Riton Liebman
Drôle , provoquant, mais c'est du Blier ! touchant ....
A voir ou à revoir...
17:33 Publié dans cinema | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : film "préparer les mouchoirs"
27/03/2014
Elle passe des heures émues....
Elle passe des heures émues
appuyée à sa fenêtre,
tout au bord de son être,
distraite et tendue.
Comme les lévriers en
se couchant leurs pattes disposent,
son instinct de rêve surprend
et règle ces belles choses
que sont ses mains bien placées.
C'est par là que le reste s'enrôle.
Ni les bras, ni les seins, ni l'épaule,
ni elle-même ne disent : assez !
Un poème de Rainer Maria Rilke ,
la photo , rêverie du jour 1931 , de Manuel Alvarez Bravo , grand photographe mexicain.
"Il cheminait dans son Mexique comme un « photographe du dimanche », car il se considérait comme tel. Il s’attardait non pas sur les bruits du monde, sinon rarement lors de grèves sanglantes, mais sur ses murmures. Car Le murmure peut-être est plus vieux que les lèvres. Ossip Mandelstam."
Source Esprits nomades
12:46 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : une photo, un poème
26/03/2014
Prince d'orchestre
Après le Turquetto , "Prince d'orchestre"
Cette fois , Metin Arditi nous parle de musique
« QUELLES PASSIONS NOUS AMÈNENT À DÉTRUIRE ce que nous avons tant peiné à construire ? Qu’est-ce qui nous pousse à gâcher, d’un mot, un geste ou un regard, une amitié, un acquis professionnel, une réputation ? C’est ce que j’ai essayé de comprendre en écrivant l’histoire d’Alexis Kandilis, l’un des plus brillants chefs d’orchestre de sa génération. Au début du récit, il a tout. Il est, vraiment, prince d’orchestre. À la fin, il n’a plus rien. Pourquoi ? D’où lui est venue tant de violence destructrice ?
De là où chacun de nous porte quelques bombes non encore désamorcées, sans doute. De l’enfance. De l’ingérable enfance, lorsque ses cicatrices lâchent. On les a enrobées avec tant de soin que, du coup, on ne voit pas même les fils se défaire. Soudain c’est l’hémorragie, le sang est partout, et la douleur insupportable.
Mais il est trop tard.
Fini la gloire du chef qui plastronne au pupitre des plus grands ensembles symphoniques de la planète. Fini les cachets pharaoniques, les bravos si longs qu’ils en deviennent agaçants. Puis une nouvelle vie commence, faite de tendresse infinie, de quatre bras doux dans lesquels Alexis Kandilis se fond, de retrouvailles avec la vraie musique, et d’un regard lucide sur la vie passée. Mais l’enfance est là, qui guette, ne lâche pas, et rappelle sans cesse, en créancier implacable : “Nos comptes ne sont pas soldés.” »
Metin Arditi
"Ce serait un triomphe.
Il dominait tout.Les instruments. La musique. Ce que les gens allaient ressentir, penser...tout.
Dans la salle bondée, mille huit cents personnes retenaient leur souffle, impatientes, déjà, de pouvoir dire plus tard: "c'était un concert inouï."
tout était en place. Au millimètre.
Dans dix ans , dans quinze ans, ils raconteraient encore ,avec dans la voix un tremblement:" tu te souviens du concert avec Kandilis ?
On avait commencé avec l'ouverture de La force du destin...."
Verdi Ouverture de la Force du Destin Ensemble Instrumental de Paris- dir. Christian Ciuca
La vie est poussière et le destin vent.
Francisco Tamayo
15:22 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : prince d'orchestre, metin arditi
16/03/2014
J'ai aimé
- Les présentations des éditeurs
Se pourrait-il qu'un tableau célèbre - dont la signature présente une anomalie chromatique - soit l'unique oeuvre qui nous reste d'un des plus grands peintres de la Renaissance vénitienne : un élève prodige de Titien, que lui-même appelait "le Turquetto" (le petit Turc) ?
Né de parents juifs en terre musulmane (à Constantinople, aux environs de 1519), ce fils d'un employé du marché aux esclaves s'exile très jeune à Venise pour y parfaire et pratiquer son art. Sous une identité d'emprunt, il fréquente les ateliers de Titien avant de faire carrière et de donner aux congrégations de Venise une oeuvre admirable nourrie de tradition biblique, de calligraphie ottomane et d'art sacré byzantin. Il est au sommet de sa gloire lorsqu'une liaison le dévoile et l'amène à comparaître devant les tribunaux de Venise...
Rythmé, coloré, tout en tableaux miniature, le roman de Metin Arditi convoque les thèmes de la filiation, des rapports de l'art avec le pouvoir, et de la synthèse des influences religieuses qui est la marque particulière du Turquetto.
"Eh oui ! A Venise , le plus grand peintre est un petit turc !
Il était le seul à avoir réussi la fusion miraculeuse du disego et du colorito, de la précision florentine et de la douceur Venitienne." P89
"A la beauté des couleurs s'ajoutait la précision du trait. Les personnages étaient vivants, vibrants, prêts à surgir de la toile. Le tableau montrait l'art du Turquetto à son sommet.
Jésus et ses apôtres étaient dans l'attente à la fois grands et intimes, saisissants de présence et de force. Elie avait peint l'humanité, dans sa puissance et son espérance"
Il fallait qu'il quitte cette ville."
Originaire de Turquie, Metin Arditi habite la Suisse, où il préside la fondation Les Instruments de la Paix. Il a notamment reçu pour Le Turquetto le prix Page des libraires, le prix Jean-Giono, le prix des libraires de Nancy-Le Point, le prix Alberto-Benveniste et le prix Culture et Bibliothèques pour tous.
Metin Arditi redonne vie au Turquetto, élève du Titien. © DR
Editeur : Actes Sud, Arles, France
Chez Actes Sud, il est l’auteur de Dernière lettre à Théo (2005), La Pension Marguerite (2006 et Babel n° 823), L’Imprévisible (2006 et Babel n° 910), Victoria-Hall (Babel n° 726) et La Fille des Louganis (2007 et Babel n° 967).
Peintures de Titien , Canaletto , Giorgione autour de 1520....
18:56 | Lien permanent | Commentaires (7)
13/03/2014
Van Gogh et Artaud
Les deux géants de l’art - lumineux dans leur œuvre et ténébreux dans leur vie- se donnent un rendez-vous inédit au Musée d’Orsay à Paris. A partir de ce mardi 11 mars, Van Gogh / Artaud
En 1947, Antonin Artaud écrit un texte magnifique sur le peintre hollandais. Qui sert de fil rouge à une exposition non moins passionnante sur le peintre hollandais au musée d’Orsay.
Vincent Van Gogh, Portrait de l’artiste, Paris, automne 1887 (© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Gérard Blot) + Man Ray, Antonin Artaud, 1926 (© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jacques Faujour © Man Ray Trust / ADAGP, Paris 2014)) Photomontage/RFI
"Artaud et Van Gogh avaient beaucoup de points communs. Cette proximité explique sans doute la thèse défendue par Antonin Artaud dans son livre. Le poète s'insurge contre le jugement porté sur la santé mentale de Van Gogh. Il soutient que le peintre n'était pas fou et que c'est la société par son indifférence qui l'a poussé au suicide.
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, Antonin Artaud fait de la violence de Van Gogh la réponse à l'obscénité haineuse du monde et des psychiatres ; de sa folie, une réponse de l'âme à l'imbecillité universelle qui lui souffle "Vous délirez". Alors Van Gogh s'est tué parce qu'il ne pouvait pas tuer le psychiatre, le docteur Gachet. Il s'est tué parce qu'il ne pouvait plus supporter ce "délire" qu'on attachait à ses pas. "Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli. Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain, preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,par le fait même,un formidable musicien".
"Non Van Gogh n’était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l’angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie" et des politiques d’alors, fustige le poète. Pour écrire son petit livre, il a visité l’exposition Van Gogh qui se tient à l’Orangerie début 1947 et s’est fait lire à voix haute les lettres du peintre à son frère Théo."
Quand Vincent van Gogh se suicide en juillet 1890, il laisse une œuvre considérable, pas moins de 879 peintures, gravures et dessins. Mais il laisse aussi une correspondance capitale comprenant plus de 800 lettres, écrites entre 1872 et sa mort. 668 sont adressées à son frère Théo, son confident, son ange gardien éternellement présent, qui a toujours cru en sa peinture et l'a soutenu matériellement et moralement jusqu'à sa mort.
)
La dernière lettre, celle que Vincent portait sur lui le 29 juillet 1890
Sans date
Mon cher frère,
Merci de ta bonne lettre et du billet de 50 francs qu'elle contenait.
Puisque cela va bien, ce qui est le principal, pourquoi insisterais-je sur des choses de moindre importance, ma foi, avant qu'il y ait chance de causer affaires à têtes plus reposées, il y a probablement loin.
Les autres peintres, quoi qu'ils en pensent, instinctivement se tiennent à distance des discussions sur le commerce actuel. Eh bien ! vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux.
Mais pourtant mon cher frère, il y a ceci que toujours je t'ai dit et je te le redis encore une fois avec toute la gravité que puisse donner les efforts de pensée assidument fixée pour chercher à faire aussi bien qu'on peut - je te le redis encore que je considérerai toujours que tu es autre chose qu'un simple marchand de Corot, que par mon intermédiaire tu as ta part à la production même de certaines toiles, qui même dans la débâcle gardent leur calme.Car là nous en sommes et c'est là tout au moins le principal que je puisse avoir à te dire dans un moment de crise relative.
Dans un moment où les choses sont fort tendues entre marchands de tableaux - d'artistes
morts - et d'artistes vivants.
Eh bien ! mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié - bon - mais tu n'es pas dans les marchands d'hommes pour autant que je sache, et puisse prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité. Mais que veux-tu?
Sources, Le nouvel obs culture, France info culture
14:17 | Lien permanent | Commentaires (6)
08/03/2014
Le 8 mars de Clara Zetkin et Rosa Luxemburg
En 1910, à Copenhague, lors d’une conférence des femmes socialistes, Clara Zetkin (1857-1933), leader socialiste allemande et rédactrice en chef de la revue féministe L’égalité, mène une campagne internationale, épaulée par son amie Rosa Luxemburg, pour que la journée du 8 mars soit retenue comme "Journée internationale de la femme", pour commémorer la lutte des femmes en particulier pour le droit de vote et de meilleures conditions de travail. Les 17 pays représentés adoptent la proposition à l’unanimité.
Révolutionnaire allemande d’origine polonaise, Rosa Luxemburg (1870-1919) est docteure en droit et en économie politique, auteure d’une œuvre considérable, une oratrice hors pair parlant plusieurs langues et une théoricienne de tout premier plan. " Un aigle ", selon Lénine. Dès 1907, elle fonde avec Clara Zetkin, sa meilleure amie, l’Internationale socialiste des femmes qui, quatre-vingts ans plus tard, réunira cinquante-neuf associations dans le monde.
Justice sociale et libération des femmes
L’amitié de Rosa et Clara est inséparable de leur lutte pour la justice sociale et l’émancipation des femmes. Tendresse et ardeur révolutionnaire sont indissociables chez ces deux femmes exceptionnelles, conscientes d’être égales et ayant une confiance totale en leurs capacités respectives. On pense au lien indéfectible qui a uni Madeleine Parent et Léa Roback et reste une ardente inspiration pour les Québécoises. De même que dans toutes les grandes amitiés, elles n’ont pas besoin d’explications. Rosa écrit à Clara : " On a décidé d’éditer un supplément hebdomadaire d’un demi-placard en guise de journal féminin. C’est toi qui dois le rédiger. Fais comme tu l’entends. " Et ainsi fut fait !
Au fil des ans, Rosa confie à Clara tout ce qu’elle ne peut dire à la plupart des personnes de son entourage, ses doutes, ses peines et sa joie de vivre chaque instant comme s’il était le dernier. Elle peut critiquer Clara, tant sur le plan politique que sur le plan personnel, mais elles savent toujours résoudre harmonieusement leurs divergences. " Mon unique ! Est-ce que cette lettre, est-ce que mon amour pourront t’atteindre encore ? ", lui écrit Clara, alors qu’on a déjà assassiné Rosa et, qu’on ne retrouvera son corps, jeté dans le canal, seulement deux mois plus tard. Quand elle apprend la nouvelle, elle s’écroule inconsolable, ne comprenant pas comment la vie pourra continuer et comment elle pourra vivre sans son amie de toujours. Elle lui sera fidèle, tout le long de sa vie et ce, en continuant leur action parmi les femmes et en se consacrant à la publication de l’œuvre complète de Rosa.
C’est dans son abondante correspondance, notamment avec ses amies Luise Kautsky, Sonia Liebknecht, Mathilde Jacob et Clara Zedkin que se révèlent les sentiments de Rosa Luxemburg, son amour de la nature, son refus de l’injustice et son pacifisme sans compromis qui lui ont valu de passer toute la guerre en prison. En 1899, elle écrit, ce qui donne le ton de sa correspondance et de sa vie : " Je veux agir sur les gens comme un tonnerre. Non par la déclamation, mais par la largeur de vues, la sincérité de conviction, la puissance d’expression (1). "
La vraie vie est synonyme de bonheur
Toute cette correspondance démontre sa lucidité, sa sincérité, son courage et une extrême pudeur dans l’expression de ses sentiments. Quand elle souffre, elle se replie sur elle-même, serre les dents, muette, farouche, afin d’épargner à ses proches ses inquiétudes et ses soucis. Pour Rosa, la vraie vie est synonyme de bonheur, et le bonheur, c’est principalement ces amitiés qu’elle a suscitées et cultivées avec le plus grand soin. Alors que la camaraderie politique fluctue au gré des divergences, les amitiés de cœur demeurent inébranlables. Quand elle rompt avec Kautsky, elle reste très proche de sa femme, Luise, qu’elle encourage, de même que toutes celles qu’elle aime, à être autonome et à développer ses talents cachés.
Ses lettres nous révèlent l’image qu’elle se fait d’elle-même, en tant que femme, et celle qu’elle se fait de ses amies et des femmes en général. À Clara, lui écrivant n’avoir aucune compréhension pour ces " dames " qui semblent se contenter d’être belles, Rosa répond que la beauté ne se situe pas uniquement dans le visage, mais dans la finesse et la grâce intérieures, et que, si Clara devait leur interdire la porte de l’État de l’avenir, elle, Rosa, interviendrait en leur faveur " même si elles ne servent qu’à orner la terre comme les colibris et les orchidées ! " La façon dont elle parle à ses amies montre qu’elle respecte leur personnalité à chacune. Elle décèle chez elles, de même que chez beaucoup de femmes, " une souffrance indicible et une peur inexprimable, la peur que les barrières de la vie se soient déjà refermées et de ne pas avoir touché, goûté à la vie réelle (2) ". Elle écrit à Clara qu’après la guerre, elle ne lui permettra plus, non plus qu’à elle-même, de participer à des réunions, car " là où il y a de grandes choses, là où le vent vous souffle au visage, je veux me tenir au plus fort de l’orage, mais la routine quotidienne, j’en ai marre et toi aussi sans doute. "
"Une invitation à vivre et à agir"
Elle a un magnétisme irrésistible et toutes ses amies lui resteront fidèles par-delà la mort. L’exemple le plus frappant est celui de Mathilde Jacob, dactylo indifférente à la politique et qui, devenue son amie, fait preuve à son égard d’un dévouement sans bornes. Grâce à elle, Rosa a pu, de sa prison, garder le contact avec ses amis politiques et avoir régulièrement des nouvelles de sa chatte Mimi qu’elle lui a confiée. Après sa mort, Mathilde dira que chaque regard, chaque mot, chaque lettre de Rosa était pour elle une invitation à vivre et à agir (3). Même une des gardiennes se prend d’amitié pour elle et à sa sortie de prison, le 18 février 1916, un millier de Berlinoises viennent l’attendre, la suivent chez elle pour lui serrer la main et lui offrir du pain, des gâteaux, des fleurs, denrées extrêmement rares à l’époque.
Très fidèle en amitié, elle exige de ses amies la sincérité et veut qu’on la traite ainsi qu’un être humain responsable à qui on ne cache jamais la vérité. Elle valorise plus que tout la bonté et le respect de la volonté des autres, parce que, dit-elle, c’est mieux que " d’avoir raison et de tenir registre de toutes les petites vexations ". Voilà qui pourrait bien constituer sa définition de l’amitié. À Luise Kautsky, elle parle du réconfort que lui apporte de pouvoir, même dans les pires moments, bavarder et rire avec elle : " Quand je serai de nouveau chez vous, tu me prendras comme autrefois sur tes genoux, dans ton grand fauteuil profond, j’enfouirai ma tête contre ton épaule et Hans [fils de Luise] nous jouera la Sonate au clair de lune ou le deuxième mouvement de la Pathétique. Alors de nouveau tout sera bien (4). "
La passion de tout connaître
Dans les lettres à ses amies, la diversité des goûts et des talents de Rosa est frappante. Elle s’intéresse à tout avec passion et compétence : à l’histoire, à l’économie politique, à la littérature de tous les pays, à la peinture, à la sculpture, à la musique, à la géologie, à la zoologie et à la botanique. Sa passion de tout connaître et sa vision généreuse du monde imprègnent ses amitiés. Son amour de la beauté est contagieux :
- " Ainsi va la vie depuis toujours et tout en fait partie : souffrance, séparation et nostalgie. Il faut la prendre avec tout ce qu’elle inclut et trouver tout beau et bon. C’est du moins ainsi que j’en use. Pas par sagesse longuement méditée mais simplement parce que telle est ma nature. Je sens instinctivement que c’est la seule façon juste de prendre la vie et voilà pourquoi je me sens vraiment heureuse dans n’importe quelle situation (5). "
En 1934, alors que Hitler vient d’accéder au pouvoir en Allemagne, Simone Weil écrit : " Rosa n’a pas restreint sa vie aux limites de l’action politique. Elle fut un être complet, ouvert à toutes choses et à qui rien d’humain n’était étranger. Son action politique n’était qu’une des expressions de sa nature généreuse (6). " Pour Weil, les désaccords avec les Bolcheviks, et plus particulièrement avec Lénine, viennent sûrement d’une différence d’attitude intérieure à l’égard de l’action révolutionnaire. Il est vrai que Rosa a toujours privilégié une vie intérieure intense, tant dans l’amitié que dans les remous de son action politique.
Nul doute que certains ont dû juger petite-bourgeoise la lettre suivante, adressée à Sonia Liebknecht : " J’espère mourir à mon poste dans une bataille de rues ou dans un pénitencier. Mais, dans mon for intérieur, j’appartiens plus aux mésanges qu’à mes camarades (7). " Elle a été assassinée dans une bataille de rues, tel qu’elle l’avait prévu. Depuis lors, sauf pendant le Troisième Reich, chaque année, le troisième dimanche de janvier, des milliers de Berlinoises et de Berlinois vont fleurir la tombe de celle qui n’a jamais appris à haïr et qui a fait de l’amitié un art de vivre, une forme de résistance à l’oppression et surtout une manière privilégiée d’insuffler du bonheur dans les plus petites choses.
Extrait de : Élaine Audet, Le coeur pensant - Courtepointe de l’amitié entre femmes, Québec, Loup de Gouttière, 2000. Diffusé par les éditions sisyphe.
06:00 Publié dans SOLIDARITE | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : 8 mars amitié, féminisme et révolution
03/03/2014
Sur le chemin de l'école
L'histoire de " Le Chemin de l'Ecole "
Ces enfants vivent aux quatre coins du globe mais partagent la même soif d'apprendre. Ils ont compris que seule l'instruction leur permettra d'améliorer leur vie, et c'est pour cela que chaque jour, dans des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir.
Jackson, 10 ans, vit au Kenya et parcourt matin et soir quinze kilomètres avec sa petite soeur au milieu de la savane et des animaux sauvages...
Zahira, 11 ans, habite dans les montagnes escarpées de l'Atlas marocain, et c'est une journée de marche exténuante qui l'attend pour rejoindre son internat avec ses deux amies...
Samuel, 11 ans, vit en Inde et chaque jour, les huit kilomètres qu'il doit accomplir sont une épreuve parce qu'il n'a pas l'usage de ses jambes. Ses deux jeunes frères poussent son fauteuil roulant bricolé jusqu'à l'école...
C'est sur un cheval que Carlito, 11 ans, traverse les plaines de Patagonie sur plus de vingt-cinq kilomètres. Emmenant sa petite sœur avec lui, il accomplit cet exploit deux fois par jour, quel que soit le temps..
.
SUR LE CHEMIN DE L'ÉCOLE nous plonge dans ces quotidiens hors norme, aux côtés de ces enfants dont la volonté mise au service d'un rêve les guide sur un chemin que nous avons tous emprunté, mais jamais de cette façon-là.
On se demande souvent quelle planète laisserons-nous à nos enfants, mais quels enfants laisserons-nous à la planète ?
Sur le chemin de l'école, meilleur documentaire aux César 2014
Un extrait Interview
Pascal Plisson, le réalisateur du documentaire «Sur le chemin de l’école»
Comment analysez-vous cet engouement?
"C’est un film très optimiste, via lequel des enfants du bout du monde nous donnent une leçon de vie, sans que cela soit moralisateur pour autant. Et il touche un public très large.
Comment expliquez-vous que le film soit devenu un outil pédagogique pour les enseignants?
Actuellement, 80% des spectateurs sont des scolaires. Et je passe ma vie dans des établissements pour débattre du film avec des élèves de CP jusqu’en terminale. C’est rare qu’un documentaire passe les portes de l’école, mais je pense qu’il permet aux enseignants d’aborder diverses problématiques: l’accès à l’éducation, la pauvreté, la fraternité… C’est l’occasion d’organiser des débats, de proposer des rédactions afin que chacun raconte son propre chemin pour aller à l’école… Il donne aussi une autre image de l’école aux enfants français qui traînent souvent les pieds pour y aller. Ils comprennent que pour beaucoup d’enfants dans le monde, l’éducation, c’est la chance de leur vie.
Propos recueillis par Delphine Bancaud
19:31 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sur le chemin de l'ecole
02/03/2014
Au revoir monsieur
J'avais adoré !
Sabine Azéma chante en playback sur Résiste de France Gall, extrait du film On connait la chanson (1997) de Alain Resnais avec entre autres Pierre Arditi, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri.
Alain Resnais est mort, samedi 1er mars, à l'âge de 91 ans, entouré de sa famille. Le cinéaste de la Nouvelle vague a marqué l'histoire du cinéma français, notamment avec ses films "Hiroshima mon amour" ou encore "Nuit et brouillard".
Contacté par Le HuffPost, Pierre Arditi, qui a souvent travaillé avec le cinéaste, se dit "assommé" par la nouvelle.
"Un énorme morceau de ma vie s'en va aujourd'hui mais il n'en sortira jamais. Je retiens 33 ans de collaboration avec un homme exceptionnel. Il était le cinéaste qui m'intriguait le plus quand j'étais jeune, il était à part, inclassable. Rien ne ressemble moins à un film de Resnais qu'un autre film de Resnais. Il n'a pas toujours fait l'unanimité mais il y a deux catégories de gens, ceux qui critiquent et ceux qui font, Alain était de la deuxième catégorie."
Le réalisateur avait dernièrement été mis à l'honneur lors de la 64e édition du Festival du film de Berlin pour son dernier long métrage, "Aimer, boire et chanter" (film France Inter) et dont la sortie est prévue le 26 mars prochain.
Cinéaste visionnaire et engagé
Il commence sa carrière en tournant de nombreux courts-métrages comme "Van Gogh" (1948) ou "Guernica" (1950). Mais c'est son documentaire "Nuit et brouillard" (1955) qui le révèle.
Alain Resnais dans les années 60 © Corbis - 2014
Au début de la Nouvelle Vague, sa première fiction, "Hiroshima mon amour" (1959), révolutionne les conceptions classiques de narration de l'époque. Il y expose sa problématique de la mémoire et de la destruction du récit, qu'il approfondit dans "L'Année dernière à Marienbad" (1961) et "La Vie est un roman" (1983).
Cinéaste engagé, les thèmes de la guerre et de la politique sont également très présents dans son oeuvre : "Muriel" (1963), "Stavisky" (1974) "La Guerre est finie" (Prix Louis-Delluc en 1966).
A partir des années 80, Resnais fait appel à un trio d'acteurs auxquels il offre, au fil des ans, des partitions subtiles et variées : André Dussollier, Pierre Arditi et sa muse Sabine Azéma qu'il a épousée en 1998.
Si à ses débuts, il collabore avec des scénaristes tels que Duras ou Robbe-Grillet, il s'entoure au début des années 1990 d'auteurs plus grand public. Il signe avec le couple Bacri-Jaoui "Smoking / No smoking" (1993) et "On connaît la chanson"
(1997).
Dans les années 2000, il réalise une comédie musicale, "Pas sur la bouche" (2003) puis un autre film choral, "Coeurs" (2006).
En 2009, Alain Resnais est sélectionné pour la sixième fois de sa carrière en compétition au Festival de Cannes pour son film "Les Herbes folles" où il reçoit des mains de la présidente du Jury Isabelle Huppert le prix exceptionnel du Festival de Cannes.
Trois ans plus tard, le réalisateur signe "Vous n'avez encore rien vu", présenté en compétition au 65e Festival de Cannes en 2012.
Source France Inter avec agences | 02 Mars 2014 et Huffpost Le Monde
Merci Monsieur
Jorge Semprum , Alain Resnais, Yves Montand
14:17 | Lien permanent | Commentaires (5)